Bourse : la zone franc dans un étau, entre blocages culturels et manque de volonté politique
Les places financières de la zone franc peinent à exister face à leurs concurrentes régionales. La faute à des blocages culturels, mais aussi à un manque de volonté politique.
Développement : pourquoi les francophones sont à la traîne
Nairobi (Kenya), Lagos (Nigeria), Gaborone (Botswana), ou encore Accra (Ghana) : en zone subasaharienne (hors Afrique du Sud), les Bourses des pays anglophones comptent plus de sociétés cotées, affichent de plus fortes capitalisations et attirent plus d’investisseurs étrangers que les places francophones, bien plus étroites et peu animées. A la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM, basée à Abidjan), qui regroupe pourtant les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), les introductions sont rares et les volumes échangés bien maigres (voir tableau). La situation n’est guère plus brillante au Douala Stock Exchange et encore moins à la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC, basée à Libreville), sauvée de jutesse de la fermeture cette année grâce à une recapitalisation de 3 milliards de F CFA (4,6 millions d’euros).
Un déclage "d’odre culturel"
Si ces problèmes de visibilité ne sont pas l’apanage des Bourses francophones, comme les experts le reconnaissent, c’est en revanche pour elles qu’ils se posent avec le plus d’acuité. Lorsqu’à la BRVM la valeur des transactions atteint à peine le million de dollars par jour (environ 765 000 euros), elle approche 5 millions de dollars à Nairobi. Et tandis qu’on compte 80 transactions par jour à Abidjan, on en recense 150 à Accra et près de 3 000 à Nairobi.
D’après Cyrille Nkontchou, le fondateur de la plateforme financière et boursière Liquid Africa, consacrée aux marchés africains, la première raison de ce décalage est « d’ordre culturel ». Il n’est pas dans la mentalité des chefs d’entreprise et des épargnants des pays francophones de se rendre sur les places financières pour se financer ou y investir. De fait, quand 217 sociétés sont cotées à Lagos et 55 à Nairobi, on n’en dénombre que 39 à Abidjan (en majorité des filiales de groupes étrangers), 3 à Douala et… aucune à Libreville (seul le marché obligataire y est développé).
Mais au-delà de l’aspect culturel, « il manque une réelle volonté politique » en Afrique francophone, affirme un économiste de la Banque africaine de développement (BAD). « La Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan, ajoute-t-il, a été créée en misant sur les privatisations dans la sous-région. Et il n’y a pas eu de réelle stratégie pour inciter les entreprises à y recourir. »
Les PME oubliées
« La BRVM est la seule Bourse en Afrique qui ne dispose pas de compartiment destiné aux PME », souligne Samuel Maréchal, PDG de Maréchal & Associés Finance, un cabinet qui a piloté l’introduction de Pétro Ivoire (Côte d’Ivoire) et de Money Express (Sénégal) sur la place parisienne, en septembre et en ocotbre. Annoncé depuis 2008, le projet de création d’un marché moins réglementé destiné aux PME-PMI peine à se concrétiser face aux hésitations du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF), régulateur de la BRVM.
Pour ne rien arranger, ce dernier tente d’instaurer une nouvelle règle obligeant les sociétés à se faire noter par une agence avant toute entrée en Bourse. Objectif : rassurer les investisseurs. « Si une telle règle peut se justifier pour les émissions obligataires des Etats, elle découragera les entreprises et provoquera même la sortie de celles qui sont déjà cotées », redoute-t-on à la direction de la BRVM. Pendant ce temps, au Ghana, les autorités ont signé un accord avec Fidelity Capital Partners, un fonds de capital-risque qui gère un portefeuille de près de 32 millions de dollars en Afrique de l’Ouest, pour promouvoir les PME et leur future cotation.
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