Côte d’Ivoire : zizanie dans la filière cacao
En Côte d’Ivoire, les explortateurs de fèves s’organisent pour mettre fin aux avantages fiscaux accordés aux transformateurs.
Le bras de fer entre les transformateurs de cacao et les simples exportateurs se durcit en Côte d’Ivoire. Depuis plusieurs mois, les seconds s’insurgent contre la fiscalité sur le cacao qui avantage les premiers, des géants comme les américains ADM et Cargill, le suisse Barry Callebaut ou le français Cémoi. En contrepartie de l’installation d’usines de produits semi-finis (poudre, beurre de cacao), ces derniers – qui assurent plus de 80 % de la transformation du cacao du pays – bénéficient d’avantages fiscaux évalués par le cabinet KPMG à 75 F CFA le kilo en moyenne, soit un total de 34,6 milliards de F CFA (52,7 millions d’euros). Les exportateurs purs, les Touton, Sucden et autres Armajaro, qui viennent de se rassembler au sein d’une nouvelle organisation, le Groupement des négociants indépendants (GNI), poussent à l’abrogation de cette mesure, qu’ils qualifient d’obstacle à la concurrence.
Lobbying
C’est le projet de réforme de la filière qui a mis le feu aux poudres. Cette réorganisation était une promesse de campagne d’Alassane Ouattara et une condition fixée par les bailleurs de fonds pour l’annulation de la dette ivoirienne. Le document initial, présenté en octobre, prévoyait la suppression des avantages fiscaux accordés aux transformateurs sur le droit unique de sortie (DUS), principale taxe à l’exportation qui rapporte à l’État, selon les années, entre 300 et 400 milliards de F CFA.
Une mesure vivement contestée par les multinationales, qui ont fait le siège du bureau du conseiller économique de Ouattara, Philippe Serey-Eiffel, menacé de quitter le pays et déployé leurs avocats et conseillers financiers. Le président de Cargill, Gregory Page, s’est même déplacé à Abidjan le 10 novembre pour rencontrer le chef de l’État. Un lobbying qui a porté ses fruits. Dans la dernière version du projet, datée de novembre, le paragraphe sur la fiscalité a été modifié : « Les avantages relatifs au DUS seront révisés après étude et analyse de l’impact sur l’activité. »
C’est devant le recul des autorités que les exportateurs ont créé le GNI, le Groupement des exportateurs de café et de cacao (Gepex) ne voulant pas porter leur combat. La nouvelle structure, dont les statuts n’ont pas encore été déposés, rassemble Touton, Sucden, Armajaro, CCT International, Novel, Noble, Ecom Agroindustrial et plusieurs unions de coopératives. Des entreprises qui assurent employer 6 200 personnes en Côte d’Ivoire et exporter 36 % de la production nationale. Le GNI a écrit le 13 décembre aux autorités et aux bailleurs de fonds : « Certaines subventions sont en vigueur depuis presque vingt ans et appliquées à toute la campagne alors qu’elles avaient été prévues initialement pour cinq ans [le temps de rembourser l’investissement productif, NDLR] et uniquement pour le cacao de petite campagne [censé être de moins bonne qualité]. » Il propose que l’avantage fiscal des transformateurs soit ramené à 20 F CFA le kilo durant les cinq premières années d’activité, « comme cela se fait chez le voisin ghanéen ».
Valeur ajoutée
Depuis la création de la première usine de transformation (en 1962), les autorités ont toujours accordé des régimes fiscaux privilégiés aux transformateurs. L’objectif n’a pas varié : attirer les investissements pour capter plus de valeur ajoutée. La capacité industrielle du pays est aujourd’hui de 450 000 t pour une récolte de 1,5 million de tonnes. L’État souhaite, à terme, transformer sur son sol la moitié de la production nationale. Il doit néanmoins veiller à ne pas créer de distorsions sur le marché des achats en appliquant un barème fiscal accepté de tous.
Pour justifier sa décision finale, le président Ouattara, avec l’appui des bailleurs de fonds, a lancé une série d’études sur l’impact des industries de transformation en termes d’emplois, de valeur ajoutée et de fiscalité. Reste que le temps presse pour la Côte d’Ivoire. Elle ne pourra prétendre à l’annulation de sa dette que six mois après l’entrée en vigueur de la réforme de la filière.
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