Les Allemands ne font plus assez d’enfants. À peine 1,4 par femme en moyenne, alors qu’il en faut au moins 2 pour simplement maintenir la population en l’état. Jusqu’ici le plus peuplé d’Europe avec 82 millions d’habitants, leur pays pourrait donc en perdre entre 12 millions et 18 millions d’ici à 2060. Il serait alors dépassé par la France (74 millions) et le Royaume-Uni (79 millions). Deux pays dont le taux de fécondité se maintient à un niveau presque honorable : respectivement 2,1 et 1,9.

Les raisons de cet effondrement démographique sont connues. « La faible fertilité des Allemandes s’explique par l’absence, des années durant, d’une véritable politique familiale moderne, commente Steffen Kröhnert, chercheur à l’Institut berlinois pour la population et le développement. Aujourd’hui encore, le manque de structures de garde contraint les femmes à réduire ou à abandonner leur activité professionnelle. » Ce qui signifie que si elles veulent réussir leur carrière, un grand nombre d’entre elles doivent renoncer à la maternité. Par ailleurs, le pays est désormais pris dans un cercle vicieux : à chaque génération, le nombre de personnes en âge de procréer se réduit un peu plus.

Certes, aucun pays occidental n’échappe au vieillissement de sa population, fruit d’une faible natalité et d’une espérance de vie en augmentation. C’est le cas notamment de l’Italie ou du Japon. Mais là, c’est l’ampleur du phénomène qui impressionne. D’ici à 2050, les plus de 65 ans représenteront un tiers de la population et les plus de 80 ans seront près de 10 millions. Le nombre des actifs (20-64 ans) tombera quant à lui de 50 millions à 33-36 millions.

Cause nationale

On comprend que les dirigeants de la troisième puissance économique mondiale puissent s’inquiéter : comment rester productif et compétitif avec une population active sur le déclin ? L’affaire étant devenue une cause nationale, de multiples commissions ont été mises en place pour tenter de trouver des solutions et de dessiner le visage de la société de demain.

Premier cheval de bataille, sur lequel personne ne fonde beaucoup d’espoir : la relance de la natalité, ne serait-ce que de quelques dixièmes, pour échapper au pire des scénarios. Pour cela, l’Allemagne observe avec attention ce que fait son voisin français, qui a depuis longtemps mis en place une politique familiale certes imparfaite mais qui a le mérite d’exister : création de crèches, école toute la journée, soutiens financiers, etc.

Mais le plus gros travail reste la réorganisation du pays. L’enjeu est de taille : maintenir la croissance économique menacée par le manque de main-d’œuvre et l’insuffisance de la demande intérieure. Tout va être fait pour favoriser l’accès à l’emploi, notamment des séniors et des femmes. Surtout, les autorités lancent désormais des signaux en direction des travailleurs étrangers, de préférence qualifiés, qu’ils soient ou non européens. Elles espèrent attirer, si tout va bien, 200 000 immigrés par an à partir de 2020. L’Allemagne présente actuellement un solde migratoire négatif.

Avec la perte prévisible de près de 2 millions d’élèves, le système scolaire est lui aussi à repenser, de même que les infrastructures urbaines et de transport. Mais le principal problème reste évidemment le financement des retraites et du système de santé, tous deux fragilisés par le déséquilibre entre les générations, ainsi que la gestion d’un nombre considérable de personnes âgées. Les dirigeants n’ont que quelques années devant eux pour trouver des réponses à ces défis majeurs.