Il y a encore un an, le Qatar n’évoquait pas grand-chose dans l’imaginaire collectif des Français. Tout juste savait-on que le petit royaume des sables regorge d’hydrocarbures (il est même le troisième producteur mondial de gaz). Les plus érudits n’ignoraient pas que, sans être le champion du monde des droits de l’homme, l’émirat a mis en place un modèle de société sensiblement moins rigide que celui, par exemple, du voisin saoudien.

Sportivement, on savait que le Qatar accueillait volontiers dans son championnat les stars du football sur le retour, qu’il organisait des tournois de tennis (ATP et WTA) et un open de golf.

Tout s’est accéléré quand, le 2 décembre 2010, la Fifa (la fédération internationale de foot) lui a attribué l’organisation de la Coupe du monde de football 2022. Puis quand, en juin dernier, Qatar Sports Investments (QSI) a racheté au fonds d’investissement Colony Capital, pour 40 millions d’euros, 70 % du capital du Paris Saint-Germain, avant de dépenser plus du double pour renforcer le club de la capitale.

Or, le hasard (?) faisant bien les choses, Nasser Al-Khelaïfi, le président de QSI, est aussi celui d’Al-Jazira Sport, filiale du groupe télévisuel qatari. La chaîne a d’abord acquis, pour la période 2012-2016 et pour 90 millions d’euros par an, les droits de retransmission de deux rencontres lors de chaque journée de la Ligue 1 française, ainsi que deux magazines. Le 5 décembre dernier, elle a fait encore mieux en obtenant de l’UEFA, la fédération européenne, les droits de retransmission en France pour trois ans de l’intégralité de la Ligue des champions, à l’exception de la plus prestigieuse affiche de chaque journée.

Irrationnel ?

Al-Jazira Sport, qui sera lancée en France au printemps prochain, va donc se soulager de 61 millions d’euros par an pour la diffusion de 133 matchs par saison, soit le double de ce que payait Canal+. La chaîne payante française, qui depuis sa création en 1984 avait fait du football un de ses produits d’appel, devra se contenter des treize meilleures affiches dont la finale, un « lot » qui appartenait jusqu’à présent à TF1. Bertrand Méheut, le président de Canal+, a beau avoir qualifié Al-Jazira Sport d’« acteur économique irrationnel » dont le seul objectif serait « le rayonnement culturel du Qatar », rien ne semble inaccessible à cet ovni en provenance du Golfe.

Aujourd’hui dirigée par Charles Biétry, un ancien de Canal+, Al-Jazira Sport France s’intéresse de près à la Ligue Europa (actuellement diffusée par M6 et Canal+), à la Liga espagnole (détenue par Canal+ pour 6,5 millions d’euros par an), à la Serie A italienne, et, évidemment, à l’Euro 2012 – une offre écrite a été adressée à l’UEFA.

Confrontée à la puissance financière d’Al-Jazira, Canal+ a décidé, non sans habileté, de ne pas céder à la surenchère. Elle reste jusqu’en juin 2016 le principal diffuseur de la Ligue 1, mais a quand même subi un revers face à des Qataris qui ne s’interdisent décidément plus rien, au risque de provoquer dans l’opinion un sentiment de rejet. Dans les prochaines semaines, le groupe audiovisuel dévoilera le nom définitif de sa chaîne sportive, le prix de l’abonnement – qui sera « attractif et inférieur à celui de Canal+ », selon Biétry – ainsi que le mode de diffusion choisi. Aux dernières nouvelles, elle sera visible sur le câble et les Box, et accessible par le satellite.

En France, plus personne n’ignore aujourd’hui où se trouve le Qatar !