Baghdadi Mahmoudi : « La révolution libyenne est en train de tourner à la guerre civile »

Sous le coup d’une mesure d’extradition vers la Libye, suspendue par l’ex-président tunisien par intérim Fouad Mebazaa, l’ancien Premier ministre de Kadhafi plaide sa cause depuis sa cellule, à Tunis.

Le sort de Baghdadi Mahmoudi est désormais entre les mains de Moncef Marzouki. © D.R

Le sort de Baghdadi Mahmoudi est désormais entre les mains de Moncef Marzouki. © D.R

Publié le 27 décembre 2011 Lecture : 2 minutes.

Arrêté à Djerba en août pour franchissement illégal des frontières, Baghdadi Mahmoudi est sous le coup d’une extradition prononcée par la cour d’appel de Tunis et suspendue par l’ex-président tunisien par intérim Fouad Mebazaa. L’ancien Premier ministre de Kadhafi bénéficie du soutien d’Amnesty International, qui estime qu’il pourrait être victime de violences et de torture s’il était remis aux autorités libyennes. Aujourd’hui, le sort de ce médecin de 66 ans est entre les mains d’un confrère du même âge, Moncef Marzouki, nouveau président de la République tunisienne.

Jeune Afrique : Vous avez quitté la Libye clandestinement le 20 août. Pourquoi ? Quel était votre projet ?

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Baghdadi Mahmoudi : Il s’agissait de mettre à l’abri ma famille ; la maison de mon frère, où nous étions réfugiés, a été attaquée par une cinquantaine de personnes. Ma fille et ma petite-fille ont été agressées. Il ne nous restait plus qu’à fuir. Nous pensions aller à Alger via Tunis.

Vous attendiez-vous à être arrêté ?

Je suis originaire d’une tribu frontalière. Même si je n’avais pas prévenu les autorités de mon entrée sur le sol tunisien, celle-ci était tout à fait légale, d’autant qu’à ce moment-là les deux gouvernements entretenaient encore des relations.

Kadhafi était-il informé de votre départ ?

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Kadhafi n’a rien su de mon départ car nous n’étions plus en contact depuis des mois. Malgré l’absence de commandement, j’ai veillé, pendant les six premiers mois de la révolution, à ce que le peuple soit approvisionné en produits de première nécessité. Nous aurions pu mourir de faim.

Quelle était votre marge de manœuvre en tant que Premier ministre ?

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Je me suis attaché à mettre en place des réformes telles que les nouvelles lois fiscales, l’indemnisation des spoliés des années 1970 et le lancement de grands projets sociaux et d’infrastructures. Il faut rappeler que j’ai signé la première augmentation des salaires que le peuple ait connue en trente ans ! C’était dans ces domaines que je pouvais être efficace.

Vous attendiez-vous à une telle résistance de la part de Kadhafi ?

Kadhafi faisait ce que bon lui semblait. Il n’écoutait jamais aucun conseil.

Quel était le rôle de Seif el-Islam ?

Seif el-Islam était convaincu que le pays avait besoin de réformes et en discutait avec les Occidentaux, mais à partir du 17 février il a rejeté en bloc l’ingérence étrangère et est devenu un autre homme, décidé à aller jusqu’au bout.

Avez-vous collaboré avec le Conseil national de transition (CNT) ? Dans quelles conditions ?

Je suis entré en contact avec le CNT pour demander un cessez-le-feu et des pourparlers pour la construction d’une Libye nouvelle, libre et démocratique, mais aucune suite n’a été donnée.

Vous êtes sous le coup d’une extradition dont vous affirmez qu’elle signerait votre arrêt de mort. Pourquoi ?

Toujours pour des questions de sécurité, mais aussi à cause des médias, qui ont monté en épingle ma situation et qui ne cessent d’alimenter les rumeurs les plus folles. J’ai la conscience tranquille. Ceux qui se sont soulevés contre l’ancien régime sont aussi mes frères, nous nous connaissons tous. Mais je suis préoccupé par la situation actuelle. Au contraire de la révolution tunisienne, qui a su opérer une transition pacifique, la révolution libyenne tourne à la guerre civile.

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Propos recueillis par Frida Dahmani, à Tunis

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