Législatives ivoiriennes : Ouattara, les leçons d’une victoire

À l’issue des législatives du 11 décembre, le chef de l’État ivoirien Alassane Ouattara dispose d’une confortable majorité à l’Assemblée nationale. Mais il va devoir composer avec les revendications de ses alliés.

Le président Alassane Ouattara à Abidjan, le jour du vote. © Kambou Sia/AFP

Le président Alassane Ouattara à Abidjan, le jour du vote. © Kambou Sia/AFP

Publié le 19 décembre 2011 Lecture : 4 minutes.

La seule inconnue des législatives résidait dans le rapport des forces au sein de la prochaine Assemblée nationale entre les deux grandes formations alliées du pays, le Rassemblement des républicains (RDR) et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Le dépouillement des urnes du 11 décembre a livré son verdict. Le RDR d’Alassane Ouattara a obtenu 127 sièges sur les 254 que compte l’Assemblée. Le PDCI (77 élus) d’Henri Konan Bédié a perdu la plupart de ses bastions du Nord mais remporté de nouvelles circonscriptions dans le Sud. Il le doit essentiellement au boycott du Front populaire ivoirien (FPI, de Laurent Gbagbo). Quelque 35 indépendants et représentants de petits partis viendront compléter les rangs de l’hémicycle.

Un an après sa victoire à la présidentielle, Alassane Ouattara avait soigneusement préparé ce scrutin. Un redécoupage électoral taillé sur mesure (sur 30 sièges créés, 21 sont dans le Nord) lui a permis de placer ses cadres. Cette majorité conforte un peu plus son hyperprésidence, lui assurant dorénavant les pleins pouvoirs exécutifs et législatifs.

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Hormis Marcel Amon-Tanoh, son directeur de cabinet, battu à Aboisso, la grande majorité des dirigeants de son parti a été élue. Certains, comme le ministre Adama Bictogo, à Agboville, et le gouverneur Augustin Thiam, à Yamoussoukro, ont obtenu des victoires en terre ennemie, consacrant davantage encore l’ancrage urbain du RDR.

Abstention

La communauté internationale et les observateurs ont souligné, dans l’ensemble, le bon déroulement des opérations, même si plusieurs contestations des résultats sont en cours d’examen par la CEI. Seules vraies ombres au tableau : la faible participation (36,56%), bien loin des 80 % de la présidentielle, et l’absence d’opposition. Le boycott du scrutin par le FPI et le transfert de son leader, Laurent Gbagbo, à la Cour pénale internationale (CPI) rendent plus difficile la réconciliation nationale.

Pour le PDCI, c’est l’heure du bilan. L’ex-parti unique de Côte d’Ivoire n’a été capable de remporter ni la présidentielle ni les législatives. Son président, Henri Konan Bédié, ne pourra se soustraire, comme le demandent les militants, à un grand congrès en 2012. Avenir de la formation, alliance avec le RDR, succession…, toutes ces questions devraient être abordées.

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En attendant, le président Ouattara devra se consacrer à la constitution de la nouvelle équipe gouvernementale et à la composition du bureau de l’Assemblée nationale. Une équation difficile à résoudre compte tenu des promesses faites au PDCI et à Guillaume Soro, le Premier ministre, qui l’a aidé à prendre militairement un pouvoir que lui refusait Laurent Gbagbo.

Le chef de l’État pourrait renouveler près d’un tiers des ministres. Il a commencé à consulter des personnalités du monde économique. Charles Diby Koffi, ministre de l’Économie et des Finances, devrait rempiler pour finaliser les accords d’annulation de dette avec les bailleurs de fonds. Guillaume Soro, l’actuel chef du gouvernement, a également des chances de rester temporairement en poste pour achever la sécurisation du territoire et la refonte de l’armée. Ce que contestent les barons du PDCI, qui veulent que Ouattara respecte la parole donnée à Henri Konan Bédié : son soutien au second tour de la présidentielle contre la primature pour l’un des siens. Dans l’entourage du chef de l’État, certains pensent à une nomination de Jeannot Ahoussou, l’actuel garde des Sceaux (PDCI), à la primature – Soro conservant la Défense.

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Clash

« Si le chef de l’État ne donne pas l’Assemblée ou la primature au PDCI, il risque d’y avoir un clash », suggère un diplomate africain. Outre Ahoussou, du côté du PDCI, Alphonse Djédjé Mady, secrétaire général du parti, fait figure d’outsider pour la présidence de l’Assemblée. Le premier a la faveur d’Henri Konan Bédié, un argument de poids. Le second vient du pays bété, dans l’Ouest. Sa nomination pourrait être un signe fort envoyé aux populations de ces régions. Mais Ouattara doit aussi composer avec l’appétit des cadres de son parti qui lorgnent le perchoir. On avance le nom d’Amadou Gon Coulibaly, son fidèle lieutenant installé au secrétariat général de la présidence. Peu probable pourtant qu’il s’en sépare.

« Avec sa majorité, Ouattara n’a pas besoin de nous pour faire passer les lois ordinaires, confie un cadre du PDCI. Mais il aura besoin des deux tiers des voix de l’Assemblée pour les lois organiques et la réforme constitutionnelle. » S’il ne donne pas le perchoir au PDCI, le président devra, au moins, lui réserver une part de choix dans les dix postes de vice-­président et de président de commission. « Beaucoup d’Ivoiriens se plaignent des nominations à caractère politique et régional dans les institutions et l’administration, confie Patrick N’Gouan, le coordinateur de la Convention de la société civile ivoirienne (CSCI). Il faut dorénavant promouvoir des personnalités consensuelles et rassembleuses. »

Reste également à savoir quand les autorités décideront de convoquer une Assemblée dont les bâtiments doivent être rénovés. Certains avancent le mois de janvier, d’autres la fin du mois d’avril. Ce qui permettrait de proposer le perchoir à Guillaume Soro. Le 8 mai prochain, le Premier ministre soufflera sa quarantième bougie. Un âge qui lui permettra d’accéder légalement à la présidence du Parlement et de se positionner en dauphin constitutionnel.

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