Transport aérien : Egyptair, une révolution et ça repart
Après avoir subi 86,6 millions d’euros de pertes lors du Printemps arabe, la compagnie repart à l’offensive. Elle veut imposer Le Caire comme un hub entre l’Afrique et le monde arabe.
Pour qu’Egyptair traverse la révolution sans se briser les ailes, son président, Hussein Massoud, a dû manœuvrer avec doigté. La première compagnie aérienne du continent par le nombre de passagers transportés (8,4 millions en 2010), devant South African Airways et Royal Air Maroc, a connu de sérieuses secousses. Les bouleversements politiques de l’année 2011 ont entraîné la paralysie de ses activités au plus fort de la crise, une chute de 35 % du nombre de touristes au second trimestre et un climat des affaires incertain.
L’ascension de la compagnie aérienne publique, qui affichait 1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2010 (soit 53 % de plus qu’en 2007) et 16,9 millions d’euros de résultat net, a été stoppée en plein vol. D’après son président, les troubles ont coûté à l’entreprise 86,6 millions d’euros. Entre décembre 2010 et février 2011 (la meilleure saison de l’année en théorie), elle n’a pu assurer que 50 % de son trafic normal et a perdu 80 % de ses revenus.
Sans aide
L’addition aurait pu être plus salée encore si Egyptair ne s’était pas, dès les premières semaines de la révolution, adapté à cette situation exceptionnelle. En février et mars, le transporteur a bloqué au sol 25 de ses 62 appareils, diminuant ses liaisons internationales pour réduire ses coûts de maintenance et surtout d’assurance. Dans la foulée, il a renégocié avec ses fournisseurs la livraison des appareils commandés et gelé le projet d’extension de son siège cairote. Pour épargner sa trésorerie, Egyptair a obtenu du ministère du Pétrole le rééchelonnement du paiement de son carburant. « Mais nous nous en sommes sortis sans aide financière directe de l’État », précise Hussein Massoud, même si toutes ces dispositions n’empêcheront certainement pas la compagnie d’afficher des pertes en 2011.
L’objectif pour 2012 : desservir 25 destinations sur le continent, contre 17 aujourd’hui.
Sur le plan managérial, l’entreprise a aussi su faire preuve d’agilité, pour permettre au personnel de rejoindre le tarmac cairote, malgré un couvre-feu en vigueur dix-neuf heures par jour au début de la révolution et une situation sécuritaire difficile. « Nous avons proposé à certains de nos pilotes, hôtesses et stewards de loger plusieurs mois dans nos hôtels de l’aéroport avec leurs familles, et ils ont joué le jeu, s’impliquant plus qu’en temps normal pour faire tourner l’entreprise avec des équipages réduits », se félicite Hussein Massoud. Pour montrer l’exemple, les membres du conseil d’administration ont renoncé à une partie de leur rémunération.
Difficiles négociations
Après cette cure de rigueur révolutionnaire, Egyptair est de nouveau dans une logique d’expansion. Pour Hussein Massoud, venu à Marrakech les 21 et 22 novembre pour y rencontrer ses homologues de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa, qu’il chapeaute depuis deux ans), le plus dur est passé : « Nous avons atteint en septembre un taux de remplissage de nos avions qui représente 85 % de celui d’avant la révolution, confie-t-il. Sur des destinations touristiques, comme Charm el-Cheikh, nous sommes même revenus au niveau d’avant la crise. Pour retrouver un niveau normal, il nous faudrait reprendre notamment nos liaisons vers le Japon. Les négociations sont difficiles avec les autorités de ce pays, frappé par la catastrophe de Fukushima et méfiant à l’égard de notre situation sécuritaire, mais nous ne désespérons pas de parvenir à un accord. »
Dégel
Hussein Massoud reste aux commandes
Ingénieur aéronautique de formation (et titulaire d’un MBA de l’école supérieure de commerce de Rennes), Hussein Massoud, 63 ans, a servi pendant vingt-deux ans comme officier dans l’armée de l’air avant de rejoindre la compagnie de jets Smart Aviation, puis Egyptair, dont il est devenu président en septembre 2009. Francophile, il a ses entrées au sein du groupe Dassault. Son sens de l’entregent et sa bonne maîtrise de l’anglais et du français ont joué dans son élection en 2010 à la présidence du comité exécutif de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa), au sein de laquelle il s’est efforcé de favoriser les échanges entre compagnies du continent et du Moyen-Orient. Les bons résultats du Cairote, sa capacité à dialoguer à la fois avec les syndicats et avec les militaires au pouvoir expliquent qu’il soit resté aux commandes d’Egyptair.
Le plus gros de la tempête étant passé, les plans d’ouverture de lignes, un temps gelés, sont ressortis des cartons. Pour les trois prochains mois, la compagnie annonce qu’elle assurera 512 vols hebdomadaires, soit 19 de plus qu’il y a un an. En tête des priorités, le continent : « Nous y desservons 17 destinations, ce qui représente 113 vols hebdomadaires. Nous devrions passer à 25 destinations en 2012, en coopération avec nos partenaires South African Airways et Ethiopian Airlines », annonce Hussein Massoud.
Avec l’arrivée de la compagnie d’Addis-Abeba au sein de Star Alliance, dont Egyptair fait partie depuis 2008, Hussein Massoud et ses équipes comptent en effet profiter d’un trafic venu d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe vers son réseau étoffé dans le monde arabe. Le transporteur veut aussi s’étendre en Afrique de l’Ouest, région plus inédite pour lui, afin d’y convoyer ses clients maghrébins et moyen-orientaux. Dans cet objectif, il a ouvert en novembre deux nouvelles lignes depuis Le Caire, l’une vers Juba (Soudan du Sud), l’autre vers Abuja (Nigeria). Il a également repris ses vols vers Tripoli et Benghazi, augmenté ses rotations vers Addis-Abeba, Tunis, Alger, Casablanca, Lagos, Kano et Accra. « La crise a été un moment très difficile à passer, c’est évident, mais elle nous a poussés à remettre toutes nos opérations à plat pour mieux repartir ensuite », estime le président d’Egyptair, résolument optimiste.
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