Tunisie : l’hôtellerie d’affaires au beau fixe
Si l’immobilier tunisien est en berne, les projets destinés à une clientèle d’affaires restent attractifs. Plusieurs d’entre eux se concrétiseront dès 2012.
À la Goulette, dans la banlieue de Tunis, Sakhr el-Materi n’avait pas mégoté pour son projet de centre commercial. Pour la conception, le gendre de Ben Ali avait choisi une pointure : l’architecte italien Davide Padoa, créateur du Morocco Mall, ouvert ce mois-ci à Casablanca. La révolution a tout stoppé. D’ailleurs, une longue liste de programmes immobiliers ont tourné court après le 14 janvier, portés ou non par des proches de l’ancien président. Et si la construction du Four Seasons, l’hôtel touristique de luxe de Marwan Mabrouk (100 millions d’euros d’investissements), se poursuit malgré les retards accumulés, verra-t-on un jour sortir de terre le projet de centre financier offshore de Tunis de la banque de Bahreïn, Gulf Finance House ? Rien n’est moins sûr. Même désillusion pour les programmes du groupe émirati Bukhatir (Tunis Sports City) et du qatari Diar (Tozeur). Au-delà des mégaprojets, c’est tout l’immobilier qui « stagne », explique Kameleddine Landoulsi, organisateur du Salon de l’immobilier tunisien à Paris (Sitap). En cause, le ralentissement économique et, surtout, l’appréhension des investisseurs face aux nouvelles orientations politiques de la Tunisie.
Rénovation
Mais tous ne sont pas aussi timides. Ainsi, le promoteur immobilier franco-tunisien Samir Jaieb n’a pas hésité début novembre à venir de Paris pour rencontrer Ennahdha, le parti islamiste vainqueur des élections du 23 octobre, et s’assurer que son futur hôtel d’affaires, exploité par le groupe Marriott dans la capitale tunisienne, aurait bien une licence l’autorisant à vendre de l’alcool. Rassuré, il en débutera la construction début 2012. « Le potentiel des hôtels de ville est énorme, surtout à Tunis, où le moindre événement remplit toutes les chambres disponibles », confirme Jalel E. Henchiri, du cabinet d’études Smart Consult. En outre, l’offre actuelle ne répond pas toujours aux standards de qualité internationaux.
Cibler une clientèle de cadres, l’idée a déjà convaincu d’autres concurrents, dont les établissements haut de gamme sont en travaux en centre-ville. C’est notamment le cas de l’ancien hôtel Abou Nawas, acheté en 2007 par le groupe Laico, propriété du fonds souverain libyen, pour environ 15 millions de dinars (7,6 millions d’euros). En dépit de la révolution libyenne, « les travaux de réaménagement se poursuivent », assure Jalel E. Henchiri. Selon lui, il y a peu de risques que l’établissement soit mis en vente par les nouvelles autorités du pays, car sa rentabilité est assurée. Autre implantation internationale, la chaîne Kempinski gérera dans quelques mois l’ex-hôtel Amilcar, sur la colline de Sidi Bou Saïd, au nord de Tunis. Othmane Jenayeh, promoteur du projet, a négocié une location longue durée avec l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), propriétaire des murs. Quinze millions de dinars sont investis dans la rénovation. Autre rumeur insistante, le retour de la chaîne Hilton. Partenaire de Belhassen Trabelsi avant la chute de Ben Ali, le groupe américain cherche une opportunité pour se réimplanter dans la capitale.
Rentables
Mais le projet le plus innovant réunit les banques BNA, STB et BIAT, à travers la filiale hôtelière de cette dernière, la Société Tanit international (STI), et Accor. Début 2012, ils inaugureront un hôtel Ibis (152 chambres) et un Novotel (126 chambres) propriétés de la STI et gérés par le groupe français. « Pour réaliser des économies d’échelle, les deux établissements, moyen et haut de gamme, sont construits sur le même site et partageront des parties communes », explique Frédéric Pécastaings, chargé du projet. En cas de succès, ce concept (un investissement d’environ 40 millions de dinars) devrait vite être dupliqué à Tunis et dans les grandes villes du pays, à commencer par Sfax. En Algérie et au Maroc, les établissements d’Accor ont des taux de remplissage proches de 90 %, ce qui en fait des affaires très rentables. Du deux au cinq-étoiles, crise ou pas, la clientèle d’affaires est toujours au rendez-vous.
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