Gabon – Législatives 2011 : un test grandeur nature pour le pays
Le 17 décembre, les électeurs gabonais seront appelés à choisir leurs députés. Pour la première fois depuis le scrutin présidentiel de 2009, la majorité se soumet donc au verdict des urnes… Mais sans grand risque tant l’opposition, acculée et laminée, est au bord de l’implosion.
Pendant des mois, ils ont demandé le report des élections. En vain. Menacé d’en perturber le bon déroulement. Sans plus de succès. À Libreville, les autorités ont fait la sourde oreille et les opposants ont dû se faire une raison : les Gabonais seront bien appelés aux urnes, le 17 décembre, pour désigner leurs députés. Affaiblis, divisés, les adversaires d’Ali Bongo Ondimba promettent maintenant de boycotter le scrutin, convaincus que les législatives perdront ainsi en crédibilité. Mais il en faut plus pour émouvoir le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), bien décidé à faire mieux qu’en 2006.
Ce que les opposants réclamaient, c’était l’introduction de la biométrie dans le scrutin. Cela aurait permis, affirment-ils, l’élaboration d’un fichier électoral propre et empêché toute fraude éventuelle. Le gouvernement a plié et fait voter une loi destinée à introduire cette nouvelle méthode, mais il faudra attendre encore un peu, le temps d’acquérir les équipements nécessaires. La biométrie, a-t-il promis, ce sera pour les scrutins d’après. « Pas question », se sont insurgés les partisans du boycott, exigeant un report des législatives – report que le pouvoir juge, lui, « inenvisageable », notamment parce qu’il aurait fallu proroger le mandat des députés.
Anciens caciques
Certes, le chef de l’État avait évoqué la question à plusieurs reprises avec le patron de l’Union du peuple gabonais (UPG), Pierre Mamboundou (décédé le 15 octobre), mais jamais avec le groupe des anciens barons du régime passés à l’opposition et rassemblés au sein de l’Union nationale (UN). Avec ces derniers, la communication a consisté en un échange de communiqués de presse.
« Je ne serai pas candidat, tranche Zacharie Myboto, président de l’UN, parti officiellement dissous. Nous serons sur le terrain et nous nous battrons pour empêcher ce qui se présente comme une mascarade destinée à reconduire mécaniquement la majorité du Parti démocratique gabonais au pouvoir. » À Libreville, l’opposant fulmine. Rien de ce qu’il avait prévu n’a fonctionné. Pour rebondir après son échec lors de la présidentielle de 2009, Myboto avait créé l’UN, début 2010, avec les anciens caciques du régime d’Omar Bongo Ondimba (qui lorgnaient sa succession) que sont les ex-Premiers ministres Casimir Oyé Mba et Jean Eyéghé Ndong, et l’ex-ministre de l’Intérieur André Mba Obame. Ensemble, ils espéraient rafler la majorité absolue aux législatives et prendre le contrôle de l’Assemblée nationale pour obliger le président gabonais à nommer un Premier ministre issu de leurs rangs. Jean Eyéghé Ndong se voyait bien revenir à ce poste, qu’il a occupé sous Omar Bongo Ondimba. Myboto, lui, rêvait du perchoir, tandis que Mba Obame pensait déjà à la présidentielle de 2016.
Mais le nouveau locataire du Palais du bord de mer ne leur a rien épargné. À coups de textes restrictifs et d’ordonnances modifiant, notamment, les lois électorales, Ali Bongo a pilonné sans répit ses opposants. Les nouvelles dispositions précisent que, pour créer un parti politique, il faut désormais recueillir au préalable 9 000 signatures d’adhérents dans au moins sept provinces. Le même texte, adopté le 11 août dernier en Conseil des ministres, fixe à six mois la période d’examen du dossier de création d’un parti par le ministère de l’Intérieur.
La confiance règne
Sûr de l’emporter, le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) ne se donne même pas la peine de négocier. Il présentera des candidats à la députation sur l’ensemble du territoire et pour tous les sièges… Aucun accord n’a été passé avec ses alliés traditionnels, membres de l’actuelle majorité. Elle compte à ce jour 82 députés PDG, sept pour le Rassemblement pour le Gabon (RPG) de Paul Mba Abessole, quatre pour l’Alliance démocratique et républicaine (Adere) de l’ancien vice-président de la République Didjob Divungi Di Ndinge et deux pour le Centre des libéraux réformateurs (CLR) de Jean Boniface Assélé. Sans oublier le Rassemblement des démocrates républicains (RDR) de Léontine Mebale et le Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP) de Pierre Emboni, avec 1 député chacun. Le PDG en est convaincu, le 17 décembre, il pourra faire encore mieux qu’en 2006. G.D.
Candidat malheureux à la dernière présidentielle (il est arrivé troisième avec 25,33 % des suffrages), André Mba Obame s’est tiré une balle dans le pied – et dans celui de l’UN, dont il était le secrétaire exécutif – en se proclamant président en janvier 2011. Avec les nouvelles lois, l’UN va devoir s’armer de patience pour se reconstituer…
Touché mais pas coulé, Myboto refuse d’abdiquer et veut faire annuler la dissolution de l’UN devant la justice, tout en dénonçant « l’autoritarisme » du pouvoir. Selon lui, ces nouvelles règles visent à préserver la majorité écrasante du PDG. « C’est parce que je sais ce que cette hégémonie coûte au Gabon que je crois qu’il faut s’opposer à ces élections », poursuit-il.
Déboussolée
Reste que l’opposition a eu du mal à encaisser tous ces revers. On l’a trouvée désorganisée quand il a fallu s’opposer, en mai dernier, à la levée de l’immunité parlementaire de Mba Obame. À court d’idées, absente du débat et déboussolée, elle n’a eu d’autre choix que de s’accrocher à la société civile pour exister – notamment à travers le mouvement Ça suffit comme ça, cornaqué par les activistes Marc Ona Essangui et Paulette Oyane Ondo.
Les partisans de Mba Obame eux-mêmes sont désemparés devant les préparatifs d’un procès pour « atteinte à la forme républicaine de l’État ». Et eût-il voulu se représenter à la députation le 17 décembre que l’élu du Haut-Komo n’aurait pas été en mesure de battre campagne : opéré d’une sciatique paralysante le 28 juin à Johannesburg (Afrique du Sud), Mba Obame est toujours en rééducation – un exil médical qui a achevé de déprimer ses partisans.
L’UPG, l’autre grand courant de l’opposition, ne se porte guère mieux. Alors qu’il comptait jusqu’à présent sept députés à l’Assemblée, il est menacé dans ses fondements depuis le décès de son fondateur, Pierre Mamboundou. Après de vives querelles internes, la direction du parti a décidé de prendre part au scrutin, malgré l’absence de biométrie. Qu’aurait décidé l’insaisissable Mamboundou ? Selon plusieurs de ses anciens lieutenants (dont Fidèle Waura, Mboumba Nziengui, Roger Mouloungui, Moussavou Kombila, Olivier Koumba et Hortense Nyongui), il n’aurait pas boycotté la consultation. Ils ont organisé un vote au sein du secrétariat exécutif, fin octobre, pour faire valider la décision de participer au scrutin. Mais les militants, mécontents d’apprendre par les médias la décision de leurs dirigeants, ont convoqué le 4 novembre une assemblée générale pour réaffirmer leur refus d’aller aux urnes sans biométrie. Le parti est au bord de l’implosion.
Le PDG peut se réjouir de la pagaille qui règne dans les rangs adverses. Après l’orage de la présidentielle, où son hégémonie sur la scène politique a paru menacée et son unité fissurée, l’urgence était de reconstruire un lien avec les électeurs qui avaient voté pour Mamboundou (25,64 %) ou Mba Obame (25,33 %). Il fallait également remotiver des troupes démoralisées par les batailles entre les barons du parti pendant cette période trouble. « Nous avons organisé une primaire pour donner la parole aux électeurs et leur permettre de choisir les candidats qui devront nous représenter », explique Faustin Boukoubi, secrétaire général du PDG. La compétition fut âpre, au point que l’inamovible ministre des Affaires étrangères, Paul Toungui, a dû attendre un deuxième vote – à l’instar de dix-sept autres candidats – pour l’emporter sur son concurrent.
Parachutage
D’autres membres du gouvernement, comme Blaise Louembé (Habitat) et Magloire Ngambia (Économie), ont préféré renoncer. Résultat, le parti au pouvoir se targue de présenter des listes comportant 50 % de nouveaux candidats. Boukoubi l’assure : « Il n’y a pas eu de parachutage comme par le passé sur ordre du Palais. »
En quête d’un nouveau souffle, le PDG version Ali Bongo Ondimba fait vivre chichement sa famille politique et n’a rien promis à ses alliés – tout juste un « code de bonne conduite », une sorte de pacte de non-agression (lire encadré). Reste à savoir si les alliances survivront à cette nouvelle méthode du chacun pour soi. « Nous avions préconisé la présentation de candidats uniques de la majorité, mais les partis qui avaient déjà des députés tenaient à les faire réélire. Ceux qui sentaient qu’ils avaient leurs chances voulaient positionner leurs candidats », justifie un négociateur proche du pouvoir.
Le PDG est donc en position de force. Mais comment faire accepter une victoire écrasante sans briser la vitrine démocratique ? La participation de toutes les forces politiques à ce scrutin lui garantirait une crédibilité difficile à contester. Au PDG, on se félicite de la candidature de tous les députés sortants de l’UPG. On se réjouit aussi que d’autres formations aient décidé de présenter des candidats. Pour le pouvoir, le fait que d’anciens membres de la coalition Ça suffit comme ça soient candidats – en l’occurrence Pierre-Claver Maganga Moussavou, du Parti social-démocrate (PSD), Louis-Gaston Mayila, de l’Union pour la nouvelle république (UPNR), et Léon Mbou Yembi, du Forum africain pour la reconstruction (FAR) – est même une bonne nouvelle.
Ajoutons à cela quelques fortes têtes qui refusent de respecter le mot d’ordre de boycott lancé par les patrons de leurs partis respectifs. Le député de l’ex-Union nationale à Moanda, Jean Valentin Léyama, se présente en indépendant contre la volonté de son mentor, Zacharie Myboto. « Au sein de l’Union nationale, je ne serai pas le seul à aller à ces élections, car la plupart des élus [dont Maurice Bouamba], y sont favorables », se justifie-t-il. Voilà qui promet.
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