Tunisie : Béji Caïd Essebsi, de la primature à l’opposition
Avant l’élection de l’Assemblée constituante, le Premier ministre provisoire tunisien caressait l’espoir de devenir président de la République. Et n’a manifestement pas renoncé.
Lorsque Béji Caïd Essebsi (BCE), à la retraite depuis 1994, a été désigné Premier ministre provisoire le 27 février 2011, Rached Ghannouchi, le leader d’Ennahdha, a déclaré sur le mode de l’humour qu’on était allé le chercher dans les boîtes d’archives beylicales. Neuf mois après, BCE passe le témoin, mais il ne va pas retourner de sitôt dans sa boîte d’archives. Faute d’avoir accédé à la présidence du pays, comme il l’espérait, il s’apprête à passer dans l’opposition.
Au départ, BCE a pourtant bénéficié d’un préjugé favorable. Au lendemain de la révolution du 14 janvier, la Tunisie s’est retrouvé plongé dans une quasi-anarchie : insécurité liée à la défaillance des forces de police et à l’évasion de milliers de détenus, actes de sabotage des « benalistes », grèves, sit-in… « Mon objectif est de mener le pays à bon port », avait-il alors annoncé. Avec lui – et le président provisoire, Fouad Mebazaa –, le pays aura au moins pu élire une Assemblée nationale constituante (ANC) le 23 octobre, tout en préservant la stabilité et en assurant l’essentiel des missions de l’État.
Croissance nulle ou négative
Le taux de croissance pour 2011 devrait en tout cas être nul ou négatif, selon Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque centrale, qui met en garde contre les risques d’une aggravation des difficultés économiques. Le taux de chômage dépassera 18 %, contre 13 % en 2010. En raison de la crise en Europe, principal partenaire commercial de la Tunisie, les réserves en devises ont baissé de 3 milliards de dinars (1,5 milliard d’euros) depuis début 2011.
BCE s’est en revanche beaucoup investi dans la diplomatie, participant au sommet du G8, dont les promesses de financement tardent à se concrétiser, et se rendant à Washington à l’invitation de Barack Obama, et dans les pays maghrébins. Il s’est même mis en tête de devenir président de la République. « Si mon pays a besoin de moi, je suis toujours là… » déclarait-il à J.A. en octobre. Il espérait que l’Assemblée nationale constituante le désignerait à ce poste. Ses émissaires ont même engagé à cet effet, dès l’été dernier, des discussions secrètes avec des dirigeants d’Ennahdha, perçue comme incontournable. Le premier « sondage » auprès de Rached Ghannouchi a lieu en août. Il y a eu par la suite au moins deux autres rencontres avec des cadres « nahdhaouis ». BCE en a conclu qu’il avait des chances d’être l’homme providentiel. Le verdict des urnes en a décidé autrement. La coalition formée après le scrutin lui a préféré Moncef Marzouki, dont le parti, le Congrès pour la République (CPR), est arrivé deuxième derrière Ennahdha.
Il y croit
Faute d’avoir été adoubé par la majorité, BCE s’est tourné vers la douzaine de formations nées de la dissolution de l’ex-parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Toutes, dont Al-Watan, de l’ancien ministre Mohamed Jegham, se sont placées sous la bannière de BCE. Son entourage précise qu’il en sera le « fédérateur » et qu’il pourrait tenter d’obtenir le ralliement du reste de l’opposition pour former un bloc face à Ennahdha. Objectif de BCE : mener cette coalition à la victoire lors des prochaines législatives et présidentielle, une fois la nouvelle Constitution rédigée, donc vers 2013. Il y croit, en tout cas, estimant qu’il est bien placé pour éviter les luttes de leadership et que l’ex-parti au pouvoir, débarrassé de ses mauvais génies et vieux démons, peut renaître de ses cendres et faire revenir ses anciens adhérents. D’autres parmi ses proches y croient moins. « BCE rate sa sortie, il aurait pu partir dans la dignité », regrette l’un d’eux.
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