Sénégal : les murs ont la parole

De l’art éphémère, gratuit et biodégradable s’installe sur les façades de Dakar, au vu et au su de toute la population sénégalaise…

Imprimés sur du papier, les dessins des artistes couvrent les murs de Dakar. © DKR

Imprimés sur du papier, les dessins des artistes couvrent les murs de Dakar. © DKR

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 8 décembre 2011 Lecture : 2 minutes.

Faire parler les Dakarois, parler avec les Dakarois : voilà une manière de résumer le projet DK-R, qui, en ce début de mois de décembre, donne la parole aux murs de la capitale sénégalaise. Voilà plus de un an, quatre artistes – deux Français et deux Sénégalais – se sont décidés à quitter l’ombre de leurs ateliers respectifs pour placarder leur talent sur les murs « aveugles » de la ville, en lévitation au-dessus de la foule et des embouteillages. Ils s’appellent Jérôme Désert, Mamadou Sadio Diallo, Barkinado Bocoum et Jérôme Maillet, dit Jeronimo.

Ils viennent tous les quatre d’univers différents. Ils sont passés qui par les Beaux-Arts de Paris, qui par l’école d’architecture de Nantes, qui par l’École nationale des arts de Dakar, et leurs œuvres sont clairement distinctes. Désert affectionne les couleurs vives et les coulures, Maillet la sérigraphie et la linogravure, Bocoum les toiles quadrillées et colorées, Diallo les scènes de la vie quotidienne revisitées façon Basquiat…

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Pourtant, portés par l’enthousiasme de leur rencontre et l’énergie folle de la ville, ils ont travaillé ensemble pour faire parler les façades. « Des peintures électorales au Brésil en passant par les campagnes d’affichage de propagande russe des années 1920, jusqu’aux campagnes publicitaires des cités américaines, les murs parlent », écrivaient-ils pour présenter leur projet. Marchant sur les traces d’artistes comme Ernest Pignon-Ernest, Shepard Fairey ou JR, ils souhaitent « apposer des visions de dimensions urbaines, quotidiennes et poétiques » permettant de « parler de la ville de Dakar à même les murs de celle-ci ». Dit plus simplement, ils placardent d’immenses dessins imprimés sur du papier, qui, avec le temps et les intempéries, se fondra dans la matière du mur jusqu’à disparaître. Leur art est éphémère, gratuit et biodégradable ! « Avant de coller une œuvre, nous rencontrons toujours le propriétaire du mur pour en discuter, explique Jérôme Désert. Nous intégrons parfois des phrases ou des mots qu’ils nous ont dits sous forme de fragments découpés et collés sur place. » On l’aura compris : il s’agit avant tout d’instaurer un dialogue entre les artistes et la population.

Rencontre

Si les œuvres ont en grande partie été préparées en atelier, le temps de collage in situ « est suffisamment long pour permettre le “frottement”, la rencontre avec les habitants environnants, et ne pas laisser une trace anonyme non comprise ». Réalistes, figuratifs, les dessins qui mesurent jusqu’à 8 m de haut sont censés coller au plus près des « fondamentaux visuels » du pays tels que les artistes les perçoivent. Mis en place dans la médina lors du festival urbain XEEX, le projet DKR est financé par le centre Wallonie-Bruxelles International et la ville de Dakar… Les œuvres des artistes seront aussi visibles au Centre culturel Blaise-Senghor (à partir du 7 décembre) et à la galerie Agora au Point E, près de la piscine olympique partir du 8 décembre). Mais comme nos artistes n’aiment décidément pas être enfermés, ils dessineront et colleront en direct les 9, 10 et 11 décembre dans l’école de l’Acapes (quartier des Parcelles-Assainies). Plus tard, en 2012, la galerie Le Manège accueillera peut-être une rétrospective sur le travail réalisé – avant une grande expo en Europe ?

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