Mauritanie : une littérature des sables
Mauritanie : entre modernité et fragilité
Pourquoi se cache-t-elle ? Jusqu’à quand ? Elle n’est pas intégrée dans les programmes scolaires. La plupart des Mauritaniens n’en ont jamais entendu parler. Pourtant, il existe, en Mauritanie, une littérature francophone de qualité.
Ce constat a conduit une poignée d’universitaires mauritaniens à lancer, l’an dernier, l’idée d’un colloque sur le sujet. L’université de Nouakchott a donné son feu vert pour accueillir la rencontre, qui se tiendra dans ses locaux les 14 et 15 décembre prochains et réunira des experts nationaux et étrangers. Un événement consacré à la littérature mauritanienne d’expression française et, donc, à son invisibilité inaugure un nouveau champ d’études dans les lettres francophones. Champ d’études en attente de reconnaissance et de vulgarisation.
L’émergence d’une littérature mauritanienne francophone est un fait littéraire relativement nouveau comparé aux autres littératures africaines d’expression française, dont certaines seront bientôt centenaires. En effet, la parution de la première œuvre littéraire commise par un Mauritanien dans la langue de Voltaire date de 1966 : il s’agit de Presque griffonnages ou la francophonie, d’Oumar Bâ, considéré comme le pionnier de la francophonie mauritanienne. Le corpus francophone s’est depuis enrichi de plus de 300 volumes de poésies, nouvelles et romans, dont les auteurs les plus connus ont pour noms Djibril Sall, Tène Youssouf Gueye, Moussa Diagana, Beyrouk, Abdoul Ali War, Harounna (dit Rachid) Ly ou Bios Diallo.
« La francophonie mauritanienne souffre d’un paradoxe, explique Mamadou Kalidou Bâ, auteur du Roman africain francophone postcolonial : radioscopie de la dictature à travers une narration hybride (L’Harmattan, 2009) et maître de conférence au département de langue et de littérature française à l’université de Nouakchott, à l’origine du projet de colloque. Elle peut se targuer d’une production foisonnante, dont la qualité n’a rien à envier aux autres littératures nationales d’Afrique. Pourtant, aucun de nos auteurs ne figure dans les programmes d’enseignement primaire ou secondaire. Alors pourquoi s’étonner que le grand public mauritanien ignore la richesse de son patrimoine littéraire en français ?… »
Pour le professeur Bâ, la responsabilité en incombe à la politique d’arabisation de l’éducation poursuivie depuis l’indépendance par la majorité arabo-berbère au pouvoir dans le pays. Au détriment du français, associé à l’affirmation identitaire de la population négro-africaine et accusé d’être plus proche des valeurs de la négritude que de l’arabité et de l’islam. Les organisateurs du colloque de Nouakchott espèrent sensibiliser les lecteurs à la « mauritanitude » des productions francophones, marquées du sceau de l’interculturalité et de la diversité constitutives de la « République des sables ».
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