Mauritanie : bilan de mi-mandat contrasté pour Mohamed Ould Abdelaziz

D’un côté, une gestion maîtrisée, des investissements en hausse et les premiers frémissements de la croissance. De l’autre, la crise financière internationale, l’aggravation de la pauvreté et la menace terroriste. Quel bilan, à mi-mandat, pour Mohamed Ould Abdelaziz ?

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz. © Ahmed Jadallah/Reuters

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz. © Ahmed Jadallah/Reuters

Publié le 22 décembre 2011 Lecture : 4 minutes.

Mauritanie : entre modernité et fragilité
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Mauritanie : entre modernité et fragilité

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À l’aéroport international de Nouakchott, les retrouvailles et les adieux se font sur le parking. Seuls les voyageurs, munis de leur passeport, sont autorisés à entrer dans le terminal. Les militaires mauritaniens qui en filtrent l’accès ont reçu de nouvelles instructions… La menace Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) pèse toujours.

Pourtant, la Mauritanie revient de loin. Depuis son élection, en juillet 2009, Mohamed Ould Abdelaziz a fait de la surveillance du pays l’un de ses chevaux de bataille. Fusillades dans les rues de la capitale, meurtres d’agents de sécurité dans les quartiers résidentiels, trafiquants de drogue et d’armes circulant librement… « Nous contrôlons l’accès au territoire et avons mis fin aux zones de non-droit », se félicite le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Hamadi Ould Baba Ould Hamadi. Un progrès notable et sur lequel s’accordent même les plus farouches détracteurs du chef de l’État. « La Mauritanie doit combattre le terrorisme et nous souhaitons tous défendre le territoire. Mais, au sein de l’opposition, nous refusons que des soldats mauritaniens soient tués ou blessés en dehors de nos frontières », nuance toutefois Mohamed Mahmoud Ould Weddady, vice-président du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), principal parti d’opposition.

Une chose que le chef de l’État contrôle plus que tout : son image.

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Depuis deux ans, « Aziz » poursuit, très méthodiquement, les engagements pris lors de sa campagne. Réputé très économe, l’ancien directeur du bataillon de la sécurité présidentielle du colonel Maaouiya Ould Taya (renversé en 2005) sait se donner les moyens de ses ambitions.

Il a promis la lutte contre la gabegie et la mauvaise gestion ? Depuis deux ans et demi, les contrôles de l’Inspection générale d’État (IGE) sont aussi sévères que nombreux. Deux directeurs d’entreprises publiques, dont l’ancien patron de la Société nationale d’importation et d’exportation (Sonimex), dorment aujourd’hui en prison.

La modernisation de Nouakchott et l’aménagement des régions de l’intérieur ? Construction de logements, d’équipements de base, de routes, de centres de santé, d’écoles, de stades… En 2010, quelque 12 milliards d’ouguiyas (30 millions d’euros) ont été alloués par le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme au financement des travaux. Dans la capitale, partout, de nouvelles infrastructures sortent de terre et pas moins de 300 km « de goudron » ont été achevés. Aziz voit grand, avec efficacité. Il aime aussi que les choses aillent vite. Problème : « L’État a réalisé beaucoup d’économies, mais en ponctionnant le budget de fonctionnement de l’administration, qui ne peut plus être opérationnelle tant elle est devenue squelettique, lâche un haut fonctionnaire. De l’ordre de 100 milliards d’ouguiyas, il a été réduit de moitié, afin d’être affecté à la création d’infrastructures. »

Depuis son arrivée au pouvoir, par le coup d’État du 6 août 2008, Aziz a toujours promis un avenir meilleur aux Mauritaniens, blâmant la politique de ses prédécesseurs. Si sa méthode, bien entendu, divise, on lui sait gré d’avoir rompu avec l’immobilisme.

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Contestation

À mi-chemin de son quinquennat, le chef de l’État a cependant dû faire face cette année, pour la première fois de manière frontale, à la colère de ses concitoyens. Celle des Négro-Mauritaniens, d’une part, contre les conditions de l’enrôlement – en cours depuis mai, afin de doter le pays d’un état civil fiable basé sur la biométrie. La tension est montée d’un cran en juillet, jusqu’à ce que les sit-in et manifestations dégénèrent en émeutes, entre fin septembre et début octobre. Des manifestants ont été arrêtés, plusieurs blessés, et un jeune de 19 ans est mort à Maghama (Sud).

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Autre front contestataire : celui des jeunes, qui, dans le sillage du Printemps arabe, ont manifesté dans tout le pays du 25 février au 25 avril, sous la bannière de la Coordination de la jeunesse, appelant au départ d’Aziz. Mouvements auxquels ce dernier a répliqué par l’envoi des forces de l’ordre, à grand renfort de gaz lacrymogènes. Bilan : dix-neuf jeunes arrêtés, une cinquantaine molestés… Finalement, le 1er août, le chef de l’État a reçu une délégation des jeunes protestataires au palais présidentiel et leur a demandé de lui soumettre des propositions.

Coup double

Quant à ses rapports avec l’opposition, le Dialogue national (prévu par l’accord de Dakar de juin 2009) a enfin été lancé, le 17 septembre dernier, et scellé, le 19 octobre, par un accord sur les réformes constitutionnelles. Parmi les propositions phares : la création d’une commission électorale indépendante et la criminalisation des coups d’État. Le premier résultat est, en tout cas, d’avoir exacerbé la zizanie dans les rangs de la Coordination de l’opposition démocratique (COD), entre les quatre partis qui ont participé au dialogue et les dix autres qui l’ont boycotté. Coup double pour Aziz : il se pose en démocrate et divise ses détracteurs.

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Justine Spiegel, envoyée spéciale à Nouakchott

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