Mauritanie : ce que femme veut…
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 14 décembre 2011 Lecture : 2 minutes.
Mauritanie : entre modernité et fragilité
Avec un seul doigt, inutile d’espérer laver un visage. Ce qui est vrai lorsque l’on parle du corps humain l’est aussi quand il s’agit du corps social. En Mauritanie, la société est patriarcale. Fatalement, c’est la voix de l’homme qui prime. Mais qu’advient-il de ce principe lorsque la femme détient le pouvoir économique ? La tendance s’inverse sans autre forme de procès.
Sans travail, l’homme est soumis. Une preuve ? Il existe à Nouakchott une association dont le but est de défendre les intérêts des femmes chefs de famille. Rien que ça ! On y trouve tous les profils : des femmes mariées, des célibataires, des divorcées, des veuves. A priori, cela peut paraître bizarre que des femmes portent la culotte au foyer. Mais les pauvres hommes sont tellement désarmés qu’ils n’ont pas le choix.
Si elle dit niet, c’est niet. Pour éviter d’éventuelles représailles, l’homme a intérêt à se taire. A être sage.
Évidemment, la fierté masculine en a pris un sacré coup. L’homme au foyer voit madame, qui tient un petit commerce, souvent informel, disposer comme elle l’entend du fruit de son travail. A-t-il besoin de quelque chose ? Il doit s’adresser à sa moitié, qui apprécie alors l’opportunité de la dépense envisagée. Et si elle dit niet, c’est niet. Pour éviter d’éventuelles représailles, l’homme a intérêt à se taire. À être sage.
Il reste un domaine où l’association n’a pas encore réussi à inverser la tendance : les travaux ménagers. Eh oui, ces messieurs rechignent encore à descendre aussi bas. « Faire la vaisselle ou la cuisine ? Il n’en est pas question », tonnent-ils. Mais quand la femme chef de famille répond qu’elle a travaillé toute la journée pour gagner de quoi nourrir la maisonnée et qu’elle ne peut pas tout faire, les hommes deviennent plus conciliants. « Bon, je peux le faire à une seule condition : que personne ne me voie. » Ces messieurs ne tiennent pas du tout à être vus exécutant des tâches réservées aux… femmes !
Petit à petit, la femme mauritanienne s’émancipe. Que 52 % de la population imposent de nouvelles règles, quoi de plus normal. Progressivement, elles remettent en question certaines pratiques, comme celle qui consiste, pour les femmes, à se gaver d’aliments riches en graisses pour avoir des rondeurs. Signe de beauté et de bonne santé, selon les hommes. Or les femmes ont compris que le gavage est un sérieux problème de santé publique.
Par ailleurs, elles ont gagné la bataille de la retraite. Avant, même si elles travaillaient au même titre et aussi longtemps que les hommes, elles n’y avaient pas droit. Les veuves de moins de 50 ans non plus. Les temps ont changé.
Avec 1 femme chef de parti, 3 au gouvernement, 21 à l’Assemblée nationale (22 %) et 8 au Sénat (14 %), la Mauritanie est encore loin d’une parfaite politique du genre. Qu’à cela ne tienne : c’est déjà une avancée indéniable sur le plan de la participation de la gent féminine à la gestion de la cité. Et c’est bien plus que chez les voisins algérien, marocain ou malien, même si certaines de ces dames ont horreur des quotas et des comparaisons. Car elles veulent s’imposer par leur seul mérite. Or, ce que femme veut…
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