Hamad Ibn Khalifa Al Thani, le Napoléon du Qatar
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 5 décembre 2011 Lecture : 2 minutes.
L’année 2011 aura été son année, avec en point d’orgue le triomphe attendu des Frères musulmans aux élections égyptiennes. Il aura été partout, au cœur de tout, tirant les ficelles de Benghazi au Caire et de Sanaa à Damas, cet émir dont Kadhafi raillait la corpulence. À commencer justement par la Libye, où les ex-rebelles, mais aussi l’Otan, doivent beaucoup à sa force de frappe financière et où il fut, pour le clan du « Guide » égaré, le nerf de la chute. C’est lui qui est derrière le brusque raidissement de la Ligue arabe contre le régime syrien, lui qu’Assad le petit soupçonne d’alimenter son opposition armée, lui dont la chaîne de télévision la plus regardée au monde arabe a joué le rôle que l’on sait dans les soulèvements de la place Al-Tahrir, de l’avenue Bourguiba et de la rue Az-Zubayri, lui enfin qui héberge, tous frais payés dans les hôtels de luxe de sa capitale climatisée, toute une smala pittoresque de dirigeants du Hamas et de mollahs du Hezbollah, de chefs talibans et d’opposants soudanais, d’imams radicaux et de généraux américains, d’agents israéliens et d’émissaires iraniens. Le Qatar est le centre du monde arabe, et Hamad Ibn Khalifa Al Thani, 59 ans, est son Napoléon – le complexe avec.
Car jamais si petit État, dont la population pourrait à peine remplir un quartier du Caire, aura vu aussi grand. Richissime et malin, celui qui parvint au pouvoir il y a seize ans en écartant son propre père par une révolution de palais a perçu qu’il y avait, au tournant de la première décennie de ce siècle, une place à prendre dans la région : celle du leader. L’affaissement de l’Égypte, la frilosité des Saoudiens, le retrait des États-Unis d’Obama avaient créé un vide que son rêve de grandeur n’allait pas tarder à remplir.
Cet émir cathodique, dont Al-Jazira est le formidable outil d’influence, a aussi senti avant tout le monde que les islamistes allaient émerger comme la force dominante de cet univers refaçonné, à la fois plus démocratique, plus religieux et plus instable. Las d’être considéré comme un simple et inépuisable bailleur de fonds tout juste bon à empiler les buildings et les investissements, à l’étroit dans son micro-État coincé entre les deux puissants rivaux du Golfe – l’Arabie saoudite et l’Iran –, l’époux de la très glamour Cheikha Mozah a conclu de ce qui précède qu’il lui revenait d’enfiler un costume bien plus prestigieux : celui de grand médiateur entre l’Occident et le nouvel Orient.
On le dit certes philo-islamiste. À tort : il est pragmatique et dénué de toute idéologie. On pointe ses contradictions : comment peut-il s’ériger en défenseur du Printemps arabe, lui qui a soutenu l’intervention saoudienne chez ses voisins de Manama ? On ajoute enfin qu’il prône à l’extérieur une démocratie quasi inexistante chez lui. Mais sur ce point, l’émir a une réponse toute prête : ses 225 000 sujets, qui jouissent du revenu par tête et du taux de croissance les plus élevés de la planète, ne lui en ont jamais fait la demande. Et le plus extraordinaire, c’est qu’il n’a pas tort…
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