Afrique : l’urbanisme au coeur de la croissance économique
Face à leur expansion accélérée, les villes s’organisent. Logements, infrastructures de base, routes… Sur tout le continent, on investit dans des milliers de chantiers, qui créent des emplois et dopent l’économie.
Urbanisme : des racines et des villes
En plein bouleversement démographique et spatial, les villes africaines sont souvent réduites à une concentration de malheurs quotidiens et de visions cauchemardesques : anarchie, insalubrité, insécurité, indigence des infrastructures de base, pauvreté, etc. A contrario, elles fascinent toujours autant par leur joie de vivre, leur diversité et leur inventivité. Auxquelles on peut ajouter, sans être taxé d’optimisme béat, leur potentiel. Car, et cela n’a échappé ni aux États, ni aux bailleurs de fonds, ni aux investisseurs, les villes africaines génèrent de plus en plus de revenus (80 % en moyenne du produit national brut des pays) et sont devenues l’un des premiers moteurs du développement humain et économique.
Pauvreté
L’Afrique est désormais le continent où la croissance urbaine est la plus forte. Le nombre de ses citadins augmente de 5 % à 7 % par an (à un rythme deux fois plus rapide que sa population totale). Certaines métropoles grignotent du territoire en plus chaque année, comme Kinshasa (8 km2). Une évolution urbaine qui ne peut être comparée à celle de l’Europe ou de l’Asie, tout d’abord parce que les villes africaines sont confrontées à un double phénomène de vitesse et de masse : 400 millions d’Africains vivent en milieu urbain (soit 40 % de la population, contre 3 % il y a cinquante ans), et ils seront 1,2 milliard en 2050 (soit 60 % de la population) selon l’ONU-Habitat.
La plupart des gouvernements ne se cantonnent plus à une politique de prestige.
Par ailleurs, contrairement à ce qui s’est passé en Europe et en Asie, cette urbanisation se fait sans développement industriel. En tout cas dans un premier temps. Faute d’emplois, de ressources et d’anticipation de la part des pouvoirs publics en matière d’aménagement, les nouveaux arrivants sont contraints de vivre dans des taudis. C’est le cas de 60 % des citadins subsahariens – et même de plus de 90 % des citadins soudanais, centrafricains ou tchadiens. Confronté au même processus, le Maghreb (par ailleurs la région la plus urbanisée du continent, avec 54 % d’urbains), qui bénéficie d’une tradition citadine ancienne, parvient mieux cependant à maîtriser l’habitat précaire. Lequel, à l’issue des programmes d’éradication et de relogement engagés ces dernières années en Tunisie, en Algérie et au Maroc (lire pp. 82-84), ne concerne plus « que » 14 % de la population urbaine d’Afrique du Nord.
Plombant également tous les indicateurs de développement humain et économique, les besoins essentiels insatisfaits en eau, en assainissement et en électricité de millions d’urbains : seuls 20 % sont approvisionnés en eau potable et moins de 10 % ont accès à un réseau d’assainissement.
Priorité au développement urbain
Si l’on peut regretter que les États et les collectivités n’aient pas anticipé les besoins et que les efforts restent encore très inégaux, force est de constater que, sur tout le continent, les politiques de la ville s’organisent et les plans d’aménagement et de développement urbain deviennent la règle. Largement encouragés par les programmes multilatéraux (notamment dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement et de l’ONU-Habitat) et les actions de coopération décentralisée.
Définition d’orientations stratégiques claires de la part des États et des autorités locales, élaboration de politiques foncières, de normes et de règles de construction réalistes, mise en œuvre de plans directeurs… Les gouvernements (et les collectivités locales lorsqu’elles y sont associées) font de l’aménagement et du développement urbain une priorité. Loin de la « ville cruelle » décrite par le romancier camerounais Mongo Beti dans les années 1950 et au-delà de l’inévitable chaos urbain, c’est l’Afrique de demain qui se construit.
Ces politiques ne sont plus exclusivement centrées sur les capitales, mais élargies à leur agglomération et déclinées à l’échelle des villes plus petites.
Les investissements, publics et privés, sont considérables, et les chantiers, qu’ils soient confiés à des opérateurs étrangers ou nationaux, créent des milliers d’emplois locaux : logements, infrastructures de base (pour l’approvisionnement en électricité et en eau, l’assainissement), équipements publics, routes, ponts, immeubles d’affaires, programmes résidentiels pour la diaspora, le tourisme, etc. Si certains gouvernements se cantonnent à une politique de prestige, menée surtout dans les quartiers chics de la capitale ou sur « la route de l’aéroport », la plupart des stratégies urbaines s’attellent à répondre aux besoins actuels et futurs des citoyens et de l’économie.
Métropolisation
Autre satisfaction, ces politiques ne sont plus exclusivement centrées sur les capitales, mais élargies à leur agglomération et déclinées à l’échelle des villes plus petites. À l’instar du modèle sud-africain, l’idée de métropolisation fait en effet son chemin (après le Grand Casa ou le Grand Dakar s’ébauchent les plans du Grand Alger, du Grand Abidjan, du Grand Libreville…).
Enfin, longtemps oubliées dans les schémas globaux, les villes moyennes s’aménagent elles aussi, s’équipent et se relient les unes aux autres. Une tendance plutôt inspirée, sachant que la moitié des citadins du continent vivent dans des villes de moins de 200 000 habitants et que c’est au sein de ces dernières, selon les projections de l’ONU-Habitat, qu’est attendue la majeure partie de la croissance urbaine en Afrique dans les dix prochaines années.
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