Football – Algérie : « Les Fennecs ne font plus partie des meilleurs », selon Halilhodzic

Marqué par la fin douloureuse de son aventure ivoirienne, le coach franco-bosnien Vahid Halilhodzic a fini par accepter le poste de sélectionneur de l’équipe nationale algérienne de football. Avec une feuille de route claire.

Vahid Halilhodzic, sélectionneur de l’équipe nationale d’Algérie. © AFP

Vahid Halilhodzic, sélectionneur de l’équipe nationale d’Algérie. © AFP

Alexis Billebault

Publié le 7 décembre 2011 Lecture : 5 minutes.

Vahid Halilhodzic, 59 ans, va passer son temps entre Lille, où il possède une maison, et Alger, où il va partager un logement avec Cyril Moine, le préparateur physique français des Fennecs. « Je n’ai encore pas vu grand-chose d’Alger, hormis le centre d’entraînement de Sidi Moussa [à une trentaine de kilomètres de la capitale, NDLR], les stades et l’hôtel. Mais je vais prendre mes marques, voyager dans le pays, pour assister à des matchs et voir qui pourrait renforcer la sélection. J’ai l’impression que l’Algérie est un pays en plein développement. On construit beaucoup, ici. » L’ancien buteur du Velez Mostar, de Nantes et du PSG, ancien international yougoslave né en Bosnie-Herzégovine, a entraîné plusieurs équipes françaises (Beauvais, Lille, Rennes, le PSG) avec un certain succès, mais aussi le Raja Casablanca, avec qui il a remporté la Ligue des champions de la CAF 1997 et deux titres de champion du Maroc (1997 et 1998). « En Algérie, les gens sont passionnés, fiers, parfois excessifs. Beaucoup ont des difficultés quotidiennes, et le foot prend beaucoup d’importance. La passion contribue à la motivation, cela ne me fait pas peur », assure le Franco-Bosnien.

Marqué par la fin douloureuse de son histoire ivoirienne en février 2010, Vahid Halilhodzic semblait avoir définitivement tourné la page africaine. Mais le projet algérien et l’insistance de Mohamed Raouraoua, le président de la fédération, l’ont convaincu de replonger.

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Jeune Afrique : Après votre éviction de la sélection ivoirienne, en 2010, tout laissait supposer qu’on ne vous y reprendrait plus…

Vahid Halilhodzic : C’est vrai que ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire m’a fait mal. J’en ai été malade pendant trois mois. On m’a viré par un simple fax, après une défaite [2-3] contre l’Algérie lors de la phase finale de la CAN 2010, en Angola. Mais cela ne venait pas de Jacques Anouma, alors président de la fédération ivoirienne. Cela venait d’en haut !

L’Afrique, c’était terminé pour vous ?

Je ne pensais plus entraîner un jour en Afrique. En septembre 2010, après la démission de Rabah Saadane, Mohamed Raouraoua m’avait fait une offre. Il paraît qu’Anouma lui avait dit du bien de moi. J’avais refusé, d’autant que j’étais sous contrat au Dinamo Zagreb [Croatie]. Mais on s’était dit qu’un jour on pourrait travailler ensemble. En juin 2011, quand l’ancien sélectionneur [Abdelhak Benchikha] a démissionné après une défaite [0-4] au Maroc, il m’a recontacté. Je l’ai rencontré à Paris, on a discuté…

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Quels ont été les arguments de Mohamed Raouraoua ?

C’est un rassembleur et un réaliste. Il ne m’a pas demandé de qualifier l’équipe pour la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations [CAN] 2012, car la situation comptable était alors très compliquée. Il m’a parlé de la CAN 2013, du Mondial 2014. Trois ans, c’est une durée raisonnable pour travailler. Avant d’accepter, j’ai consulté des amis, regardé quelques matchs de l’Algérie en DVD. Le président Raouraoua est lucide, il sait comme moi qu’il y a une bonne dizaine d’équipes qui sont supérieures à l’Algérie en Afrique, et autant qui sont de son niveau. Il ne faut pas se mentir, l’Algérie ne fait plus partie des meilleures. Cette décision n’a pas été facile à prendre.

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Pourquoi l’avoir prise, alors que vous aviez d’autres propositions, notamment en France ?

En France, mais aussi en Afrique. Cela doit être mon destin d’entraîner souvent des équipes qui doutent. Je dois avoir une étiquette. Croyez-moi, je préfère les situations plus tranquilles. Je ne suis pas maso. Mais le projet algérien est excitant. Difficile, mais excitant.

Vous avez depuis une réputation d’entraîneur dur, exigeant…

[Il coupe.] Militaire aussi ! Et ça, je ne le supporte pas ! Je déteste qu’on me traite de militaire. Pourquoi ? Parce que je viens de l’est de l’Europe ? Mais c’est nul de penser cela. Je n’aime pas beaucoup tout ce qui est militaire. La guerre, je l’ai connue dans mon pays, en Bosnie-Herzégovine, et qu’on me traite de militaire, c’est… une provocation ! Seulement, en France, on préfère les entraîneurs dociles. Des moutons !

Mais vous aimez la discipline, non ? Ce n’est pas une tare…

Mais il en faut dans la vie d’un groupe. Pour la sélection algérienne, il y avait un règlement intérieur, mais il n’était pas appliqué. Moi, je veux qu’il le soit, rien de plus. Pour mon premier rassemblement à Marcoussis [France] avec l’Algérie, en août, Ryad Boudebouz [Sochaux] n’est pas venu faire constater sa blessure. Et trois jours plus tard, il jouait avec son club. Je ne l’ai donc pas sélectionné en Tanzanie [1-1, le 3 septembre] et contre la Centrafrique. Quand j’entraînais la Côte d’Ivoire, un joueur avait prétexté une panne de réveil pour expliquer son absence. Eh bien, il a dormi six mois, la durée de la période où je ne l’ai pas appelé en sélection.

Beaucoup de cadres de la sélection algérienne (Bougherra, Ziani, Belhadj, Yahia, Meghni) ont choisi de s’exiler au Qatar ou en Arabie saoudite, et il paraît que cela vous contrarie…

[Il soupire.] Il faut accepter ces choix. On leur propose deux ou trois fois le salaire qu’ils touchent en Europe. Tant qu’ils sont performants, cela ne me pose pas de problème. En Tanzanie, certains étaient cuits physiquement. Ce n’était pas seulement en raison du ramadan. Un joueur, c’est avec son club qu’il travaille physiquement. S’il arrive en sélection et qu’il n’est pas prêt, il ne joue pas.

Avez-vous remarqué que l’Algérie marquait très peu de buts ?

Ah oui ! J’ai vu des DVD où l’équipe ne faisait pas plus de deux cents passes dans le match. Lorient, en France, c’est six cents. En Tanzanie, on en a fait quatre cents. C’est mieux, mais on doit progresser. Je veux que mon équipe prenne des risques, qu’elle marque des buts. J’ai envie de révolutionner son jeu. L’Algérie a de bons joueurs. Pas de grandes stars, mais de bons joueurs. On peut faire du bon travail. J’ai assisté à plusieurs matchs du championnat. Et j’ai l’impression que beaucoup jouent contre nature, parce que les entraîneurs savent qu’ils peuvent être virés n’importe quand, et ils hésitent à faire prendre des risques à leur équipe.

Vous comptez visiblement récupérer certains binationaux…

[Il s’emporte.] Ah, le débat sur les quotas en France ! Mais ce n’est pas une maladresse, c’est du racisme pur et dur. La binationalité, aujourd’hui, c’est presque une règle de société. Alors oui, si je peux convaincre certains joueurs qui possèdent la double nationalité franco-algérienne de jouer pour les Fennecs, je ne vais pas me priver. J’ai une liste de trois ou quatre joueurs. [Halilhodzic penserait notamment à Yacine Brahimi, le milieu de terrain de Rennes.]

Il paraît que vous avez fait le ramadan, alors que vous n’êtes pas pratiquant…

Oui, c’est exact, je l’ai fait avec mon adjoint [Cyril Moine], par solidarité avec les joueurs qui le faisaient. Je n’ai pas voulu en parler, parce que cela est une démarche personnelle. Je ne l’ai pas fait pour me faire bien voir.

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Propos recueillis à Lille par Alexis Billebault

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