Égypte : les Frères musulmans, les généraux et la rue
Pragmatique, voire cynique, la confrérie des Frères musulmans a choisi d’apporter son soutien aux militaires égyptiens, confrontés à un puissant mouvement de contestation.
« Pendant que nous sommes place Al-Tahrir pour défendre notre liberté, les Frères musulmans organisent des réunions électorales et accusent les manifestants d’être payés pour retarder le scrutin du 28 novembre », déplore Mustapha Fouad, cadre du Mouvement du 6 avril. Quelques jours avant les élections la confrérie a en effet choisi de se ranger du côté du Conseil suprême des forces armées (CSFA) au moment où le pays a renoué avec l’effervescence révolutionnaire. Le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), organe politique du mouvement islamiste, a ainsi refusé de se joindre aux manifestants réclamant le départ des militaires qui dirigent la transition politique du pays.
Double jeu ?
« La situation nécessite un retour au calme et l’ouverture d’un dialogue. Plus le nombre de manifestants est élevé, plus il y aura des tensions », s’est justifié le secrétaire général du PLJ, Saad al-Katatny, dont le parti a participé à la réunion de dialogue organisée par l’armée le 22 novembre.
Depuis la chute de Hosni Moubarak, le 11 février, les Frères ont boycotté plusieurs manifestations, traitant même leurs organisateurs de « voyous ». C’est seulement lorsque leurs intérêts sont en jeu qu’ils se dressent contre les généraux, s’opposant par exemple, en juillet, à une proposition de loi qui risquait de limiter leur nombre de sièges au Parlement à l’issue des élections.
« Ils jouent le jeu du Conseil suprême, car ils veulent lui prouver qu’il peut compter sur la confrérie », explique Ammar Ali Hassan, écrivain et chercheur en sciences politiques et sociales. Les Frères entendent ainsi conforter leur influence sur la vie politique égyptienne et obtenir des postes importants au sein du prochain gouvernement de transition.
Mais une telle stratégie pourrait les conduire à l’isolement. « Les gens se rendent compte que rien n’a changé. Les électeurs pourraient leur tenir rigueur de s’être rangés du côté du Conseil suprême », observe Hassan.
Pas de consignes
Conscient du danger, le mouvement islamiste n’avait pas totalement abandonné la place. Sa jeune garde était là. « Nous sommes nombreux place Al-Tahrir, déclare Amr, un jeune Frère du quartier de Guizeh. Nous n’avons pas reçu de consignes. Un dirigeant de la confrérie m’a appelé et m’a juste demandé de faire attention. » Une situation qui laisse à penser que la confrérie joue sur les deux tableaux. D’autres y voient des divisions internes, Mohamed al-Beltaguy, cadre du PLJ, ayant annoncé que les Frères rejoindraient les rangs des dissidents.
Toujours est-il que le mouvement reste persuadé que les élections du 28 novembre sont la seule issue à la crise. « Depuis février, nous disons que le Conseil suprême doit partir. Mais qui peut le remplacer ? Personne ! Il faut que les élections aient lieu pour qu’un Parlement élu prenne la place de l’armée, qui ne s’occupera plus de politique », martèle Medhat al-Haddad, responsable de la confrérie à Alexandrie.
Mais le CSFA ne semble pas près de quitter la scène politique : jusqu’à la présidentielle, à la mi-2012, il garde un droit de regard sur tout ce qui se décide. Dans le même temps, la contestation ne faiblit pas. Les Frères auraient-ils misé sur le mauvais cheval ?
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