Hadjibou Soumaré promu à la tête de l’UEMOA
L’ex-Premier ministre sénégalais Hadjibou Soumaré est le nouveau président de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Une nomination qui ne fait pas que des heureux.
C’est officiel depuis le 16 novembre : presque huit ans après avoir laissé le poste au Malien Soumaïla Cissé, le Sénégal retrouve la présidence de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Si Hadjibou Soumaré a longtemps hésité avant d’accepter de briguer le poste – à la place du commissaire sénégalais El Hadj Abdou Sakho –, l’ancien Premier ministre (de 2007 à 2009) a finalement remporté la bataille face au Nigérien Mamane Badamassi Annou. Ce dernier n’est cependant pas inquiet, car le temps travaille pour lui. Faute d’accord entre les huit chefs d’État lors des deux dernières réunions de l’organisation régionale, à Bamako en janvier et à Lomé en mai, le consensus a en effet pris la forme d’un contrat entre les deux hommes. Hadjibou Soumaré doit s’engager, par écrit, à ne faire qu’un seul mandat de quatre ans et à laisser ainsi la place au Nigérien.
Rude bataille
La bataille fut rude et l’issue incertaine. Chacun des deux camps était sûr de son poulain. « Le Sénégal n’a aucune chance », pouvait-on entendre début octobre de la bouche d’un diplomate nigérien. Depuis son palais de Lomé, le président togolais, Faure Gnassingbé – qui exerce actuellement la présidence de l’UEMOA –, a tranché. Hadjibou Soumaré entrera en fonction le 5 décembre à Ouagadougou. Le temps pressait. Depuis janvier et la fin théorique du mandat de Soumaïla Cissé, candidat à la magistrature suprême au Mali qui a dû prolonger son séjour, l’organisation naviguait à vue.
L’affaire Sakho peut-elle dégénérer ?
El Hadj Abdou Sakho a du mal à avaler la couleuvre. Commissaire à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) depuis 2002, candidat à la succession de Soumaïla Cissé, son éviction – qu’il a apprise par un acte additionnel reçu le 21 octobre – non seulement le prive de cette perspective, mais clôt aussi sa carrière au sein de l’institution régionale. Hadjibou Soumaré devient en effet de facto le nouveau commissaire sénégalais. Sakho a décidé de demander à la Cour de justice de l’UEMOA l’annulation de cette décision. Il se base notamment sur un précédent en 2006 : un commissaire ivoirien, dont Gbagbo voulait la peau, l’avait finalement emporté…
Le Sénégalais d’origine malienne par son père devra réveiller une administration en sommeil et relancer les projets. Décrit comme quelqu’un de rigoureux et de travailleur par ses amis, Hadjibou Soumaré, marié et père de deux enfants, est un affidé du président sénégalais, d’après ses détracteurs. Technocrate issu de l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam), qu’il intègre après avoir obtenu une maîtrise en sciences économiques en 1979, ses amitiés avec certains cadres du Parti démocratique sénégalais – Abdoulaye Diop, actuel ministre des Finances ; Idrissa Seck, ancien Premier ministre – lui ont permis de gravir les échelons, depuis son poste de percepteur dans la région de Kaolack, en passant par la direction régionale du Trésor public, jusqu’au ministère du Budget, dont il prend la tête en 2003 aux côtés d’Abdoulaye Diop.
Gouffre
Ce poste amène Hadjibou Soumaré à côtoyer les institutions de Bretton Woods, dont les rouages n’ont plus de secret pour lui. « Il est devenu un pilier de l’équipe qui a réorganisé les finances de l’État, en pleine période d’ajustement structurel », confie un ami. Pourtant, sa gestion des dossiers est encore critiquée. Le ministre a recouru sans retenue aux dépassements budgétaires ayant causé un gouffre de plus de 100 milliards de F CFA (152 millions d’euros), mis au jour en 2008 par le représentant du Fonds monétaire international au Sénégal à l’époque, Alex Segura. Les dossiers de privatisation, notamment de la Sonacos (actuel Suneor), lui ont aussi valu des semonces. Le fait, enfin, qu’il ne soit pas vu comme un politique n’est pas du goût de tout le monde. D’aucuns estiment que, plus que d’être un bon technicien, la présidence de la Commission requiert avant tout des qualités politiques. En imposant l’un de ses hommes, le président Abdoulaye Wade s’assure surtout un allié, à quelques semaines du premier tour de la présidentielle.
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