Crise économique : l’Europe, un exemple à ne pas suivre

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 2 décembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Hormis quelques-uns de ses pays mis en charpie par la guerre, l’Afrique va bien. Une décennie pratiquement que sa croissance ne se dément pas et que ses dettes s’apurent sans bruit. C’est pourquoi elle regarde, avec un rien de commisération, sa marraine (sa marâtre ?) l’Europe, qui lui a tant de fois fait la leçon sur la bonne gouvernance et la tempérance budgétaire, se débattre dans les affres de la crise de ses dettes souveraines.

Qui subit les oukases du Fonds monétaire international (FMI) ? L’Europe. Qui se voit imposer mois après mois des plans d’austérité budgétaire toujours plus sévères ? Les Européens. De qui se méfient les marchés et les investisseurs ? De la zone euro. Qui se fait sermonner pour la pagaille qu’elle menace de semer dans l’économie mondiale ? L’Union européenne. Encore un peu et l’Afrique pourrait donner des conseils à son ancienne tutrice sur la manière de gérer ses sous et sur les bêtises à éviter pour ne plus les gaspiller. Le monde à l’envers !

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Que l’Afrique ne se croie pas immunisée pour autant contre les microbes qui terrassent sa voisine du Nord. Selon les estimations de la Banque africaine de développement (BAD), une baisse de 1 point de la croissance du PIB européen se traduirait par une réduction de 10 % des recettes d’exportation de l’Afrique et par une baisse de 0,5 point de la croissance de son propre PIB.

Car la crise européenne peut contaminer l’Afrique par trois canaux. En premier, le recul des exportations peut asphyxier les pays qui dépendent des économies développées pour leurs ventes de minéraux (Zambie, Zimbabwe, Mauritanie, Guinée), d’hydrocarbures (Nigeria, Angola, Algérie, Libye, Soudan) ou pour leur tourisme (Tunisie, Maurice, Sénégal, Maroc).

Deuxièmement, un resserrement sur les marchés financiers du Nord se traduira inévitablement par un choc du crédit en Afrique, dont le réseau bancaire est en grande partie la propriété des grands établissements d’Europe.

Enfin, les contraintes budgétaires et le ralentissement des économies développées raréfieront inéluctablement les sources de financement dont l’Afrique a un besoin vital : aide publique, investissements étrangers et envois d’argent des émigrés.

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Comment prévenir ces malheurs ? « En poussant la diversification du continent », répond Vinaye Dey Ancharaz, économiste au département de recherche de la BAD. « Il lui faut diversifier ses produits, afin de ne plus dépendre de quelques exportations, et surtout diversifier ses marchés, en jouant la carte des échanges régionaux, comme l’Afrique de l’Est a su le faire. Et puis il faut que le continent se tourne encore plus vers les pays émergents, dont la croissance restera bien plus élevée que celle des pays industrialisés. Les émergents représentent aujourd’hui 40 % du commerce africain et il serait souhaitable que cette proportion s’élève encore. »

Voici l’Afrique invitée à s’unir commercialement, à mettre le cap au sud et à trouver un équilibre entre l’anarchie des marchés et un carcan réglementaire étatique.

Shanta Devarajan, économiste en chef pour l’Afrique à la Banque mondiale, tire quant à lui deux leçons de la crise de la dette européenne. La première est que le continent africain « doit poursuivre sa libéralisation financière, contrairement à ce que l’on pourrait penser, car la catastrophe de la dette publique grecque prouve que l’État n’est pas le protecteur tout-puissant que l’on croit », et même qu’il peut être dangereux. La deuxième leçon est que, dit-il, lorsque l’Afrique développera des instruments financiers aussi sophistiqués que ceux qui ont abouti à la crise des subprimes – et cela arrivera un jour –, « elle devra se doter de la réglementation qui lui évitera les dérives de la finance américaine et européenne ».

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Résumons : voici l’Afrique invitée à s’unir commercialement, à mettre le cap au sud et à trouver un équilibre entre l’anarchie des marchés et un carcan réglementaire étatique. Rien de révolutionnaire dans ces préconisations. Mais leur réussite demande de dépasser bien des paresses intellectuelles et politiques. 

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