France : Karima Delli, un fruit encore vert
La députée écologiste européenne Karima Delli est entrée en politique par la petite porte. D’origine algérienne, elle soutient Eva Joly pour la présidentielle de 2012. Et continue de s’investir dans le mouvement social. Rencontre.
Droite dans ses sandalettes de cuir, la militante altermondialiste d’origine algérienne et devenue eurodéputée écologiste l’affirme : elle n’a pas changé. En 2009, lorsqu’avec ses colistiers Daniel Cohn-Bendit, Eva Joly et Pascal Canfin elle prend ses quartiers à Bruxelles, Karima Delli le promet joliment : « J’aurai une jambe dans les institutions, une dans le mouvement social, et je marcherai plus vite pour faire bouger les choses. » C’est par cette même formule qu’elle débute l’entretien aujourd’hui.
Si le mantra d’hier a pris avec le temps des allures de slogan de campagne, que le discours est désormais celui d’une femme politique pleine d’assurance, au moins n’a-t-elle pas menti. En janvier dernier, elle apparaissait, guitare en bandoulière, dans un clip du collectif Jeudi noir défendant les mal-logés. Parodiant une chanson de Carla Bruni, la députée reprenait en cœur : « Il est Apparu [secrétaire d’État chargé du Logement, NDLR] qu’il fait pas son boulot, le nombre de sans-abri est loin d’être à zéro. Pourtant quelqu’un m’a dit que tu promets encore. » Les images étaient tournées dans un immeuble squatté, avec vue sur l’Élysée.
"Changer le monde avec un sourire"
Bien sûr, lorsqu’elle revêt son costume d’eurodéputée – qu’elle veut décontracté, veste et châle colorés –, elle distille les éléments de langage choisis par les communicants d’Europe Écologie-Les Verts, évite de parler d’elle et préfère aborder la campagne de 2012. Mais elle le fait avec un sourire communicatif. « Je suis persuadée qu’on peut changer le monde avec un sourire », explique cette brune dynamique qui répète à l’envi qu’elle est « dé-ter-mi-née ».
À 32 ans, Karima Delli est l’un des plus jeunes députés français du Parlement européen. Convaincue qu’on peut faire de la politique « autrement », elle imprime à sa fonction la marque subversive des « joyeux activistes », comme elle qualifie ses comparses de Jeudi noir et de Génération précaire. C’est Manuel Domergue qui l’a introduite dans le milieu. « Elle a un caractère joyeux, de la bonne humeur. C’est la seule à chanter à peu près bien, donc elle est devenue la coqueluche de collectifs », plaisante ce militant d’Europe Écologie-Les Verts. Ils se sont connus en 2005, dans les couloirs du Sénat, chacun était l’assistant parlementaire d’un sénateur Vert. Karima Delli venait d’intégrer l’équipe de Marie-Christine Blandin, son mentor en politique, rencontrée lors de recherches menées par l’étudiante à Sciences-Po Lille qu’elle était. « Je voulais passer des concours, devenir prof, mais son discours m’a séduite. Je lui ai écrit une lettre pour qu’elle m’engage. »
En 2007, Delli prend la tête des Jeunes Verts et veut croire aux promesses d’une écologie « sociale et populaire ». « L’écologie est pour tout le monde, et surtout pour les précaires. J’ai toujours vécu ainsi. Dans une famille de treize enfants, il faut récupérer les vêtements des frères et sœurs, faire attention à tout. Dans le Nord, on dit “faut pas gâcher”. Ça rejoint le message écolo : “Stop au gaspillage.” »
Sauvons les riches
Pendant la campagne pour les européennes de 2009, elle fonde avec ses amis le collectif Sauvons les riches. Ils remettent à Jean Sarkozy un diplôme de « fils à papa » et réclament l’instauration d’un revenu maximal. À son arrivée au Parlement quelques mois plus tard, la voilà qui proteste contre la reconduction du président de la Commission, avec un tee-shirt « Stop Barroso »…
« Elle apporte sa légitimité, mais n’est pas juste une caution morale à nos combats », explique Manuel Domergue. « Être à l’intérieur des institutions permet de faire bouger l’appareil », confirme l’intéressée. Pas du genre à mettre de l’eau dans son vin, elle ne souhaite pas entrer à tout prix dans le moule bruxellois. « Je siège en jean-baskets, je n’ai pas de carrière derrière moi, mais je suis respectée car j’ai beaucoup bossé. » Une discipline qui lui vient de parents « très attentifs » à son éducation. « En dépit de leur analphabétisme, ils ont su nous donner goût à l’école, à la lecture. » Fille d’immigrés algériens, Karima Delli a grandi à Tourcoing (Nord) et se dit fière de son accent (imperceptible), mais surtout de son père, ouvrier dans le textile, et de sa mère, femme au foyer. Et même si elle regrette de ne pas mieux connaître l’Algérie, où elle n’est pas retournée depuis quatre ans, elle assure avoir ses racines chevillées au cœur. « J’ai toujours avec moi un petit foulard kabyle ! » Si elle soutient Eva Joly pour la présidentielle de 2012, c’est parce qu’elle incarne l’ouverture. « Eva n’est pas du sérail, elle symbolise la réconciliation entre citoyens et politiques. » Et d’ajouter, en réponse aux attaques contre l’ex-juge franco-norvégienne : « Avoir une candidate binationale est une richesse, soyons fiers de nos origines ! »
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