Syrie : Rifaat al-Assad prêt à remplacer son neveu Bachar

Exilé depuis 1998, Rifaat al-Assad, oncle de Bachar, appelle son neveu à quitter le pouvoir et se dit prêt à assurer l’intérim en Syrie. Une ambition pour le moins incongrue…

Le petit-frère de feu Hafez al-Assad dans son bureau de Marbella en Espagne, en 2009. © Paul White/Sipa

Le petit-frère de feu Hafez al-Assad dans son bureau de Marbella en Espagne, en 2009. © Paul White/Sipa

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 29 novembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Bachar al-Assad avait raison : à l’étranger, des plans sont ourdis pour précipiter sa chute. Par sa propre famille… Le 13 novembre, lors d’une conférence de presse à Paris, où il est réfugié depuis 1998, son oncle Rifaat, petit frère de feu le président Hafez, a lancé sa propre coalition, le Conseil national démocratique, et appelé son neveu à engager la transition sous l’égide de la communauté internationale. À l’écouter, il est l’homme de la situation, prêt à assurer l’intérim, puis à laisser le pouvoir au plus légitime. Mais comment croire celui dont l’éternelle obsession a été de s’installer dans le fauteuil présidentiel ? « Il veut sa revanche et accomplir son rêve de pouvoir : il serait prêt à tout pour cela », explique Violette Daguerre, présidente de la Commission arabe des droits humains.

Il semble prêt, en tout cas, à une fulgurante conversion pour retrouver le chemin de Damas. Avant de tomber en disgrâce après avoir manqué un coup d’État en 1984, cet opposant désormais pétri d’humanité fut en effet, pendant près de quinze ans, l’exécuteur des basses œuvres de son frère. En Syrie, il a été le symbole honni de la violence et de la corruption du régime. Jeune capitaine de 33 ans quand Hafez s’empare du pouvoir en 1970, il se voit alors confier l’organisation des Brigades de défense, un corps d’élite autonome et dévoué à son chef et qui comptera jusqu’à 55 000 hommes. 

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"Le boucher de Hama"

Ce corps est en première ligne dans la lutte contre les Frères musulmans, qui tentent à l’époque de s’imposer par la violence. Une sale guerre au cours de laquelle Rifaat se taille une sinistre réputation. En juin 1980, son frère échappe à un attentat. Ses brigades vont le venger : un détachement est envoyé à la prison de Palmyre pour mitrailler cellules et dortoirs. Selon Amnesty International, « le nombre de victimes oscille entre 500 et 1 000, pour la plupart des Frères musulmans ». Deux ans plus tard, quand Hama se soulève à l’appel des Frères, les Brigades de défense pilonnent la ville et tuent près de 20 000 civils. Pour les Syriens, Rifaat sera toujours « le boucher de Hama ».

En 1983, quand son frère fait une crise cardiaque, il croit son heure venue et déploie ses brigades à Damas. Mais il se heurte à l’opposition des autres chefs militaires : Hafez n’est pas mort, et Rifaat doit quitter le pays. Ses brigades sont dissoutes. Nommé vice-président, en guise de réhabilitation de façade, quelques mois plus tard, il ne rentrera en Syrie qu’en de rares occasions. Depuis ses exils dorés de Genève, Marbella, Londres et Paris, il guette l’occasion de revenir en force. Sa fortune, estimée à plusieurs milliards d’euros, lui permet de lancer des journaux et une chaîne satellitaire, Arab News Network, tout à sa gloire. Encore dangereux pour Hafez, qui prépare son fils Bachar à la succession, il est déchu de ses fonctions pour trahison en 1998.

Depuis 2000 et l’avènement de Bachar, Rifaat ne cesse de discréditer son neveu. En 2005, alors que la Syrie est soupçonnée d’avoir orchestré l’assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri, il appelle le peuple à « se soulever pacifiquement contre le régime ». Les ­événements de 2011 lui donnent l’occasion de se remettre en scène. « Il tente sa chance, mais ses handicaps pèsent beaucoup plus lourd que ses atouts », commente Karim Bitar, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Un autre ex-pilier du régime s’est présenté pour la curée. Ennemi intime de Rifaat, ex-vice-­président, Abdel Halim Khaddam a lancé à Paris son propre Comité national de soutien à la ­révolution syrienne, une semaine avant son concurrent. Lui aussi avait cru en sa bonne étoile à la mort de Hafez. Mais, comme Rifaat, il a dû prendre le chemin de l’exil en 2005. « Ils viennent semer le trouble au sein d’une opposition déjà divisée », se désole Violette Daguerre. Et la discréditent un peu plus. 

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