Italie : Andrea Riccardi, le fondateur de Sant’Egidio devient ministre de la Coopération
Célèbre pour ses médiations internationales et son action en faveur des plus déshérités, Andrea Riccardi, le fondateur de la communauté de Sant’Egidio, a rejoint le gouvernement italien en tant que ministre de la Coopération.
« Cette fois, il faut y aller… » C’est par cette formule laconique qu’Andrea Riccardi a justifié auprès de ses amis de la communauté de Sant’Egidio son choix d’accepter le poste de ministre de la Coopération internationale et de l’Intégration. Sollicité à plusieurs reprises dans le passé par le centre droit et la gauche, l’historien des religions à la barbe poivre et sel avait toujours décliné l’offre. Mais cette fois, l’ampleur de la crise italienne l’a conduit à s’engager « dans l’espoir d’œuvrer au redressement national ».
Surpris d’avoir été appelé par le nouveau président du Conseil, Mario Monti, ce passionné d’Afrique a négocié le titre de son ministère, auquel il aurait bien aimé accoler une référence continentale. « Pour la première fois, notre pays se dote d’un ministère à part entière pour mener les actions de développement », se félicite Mario Giro, le « Monsieur Afrique » de Sant’Egidio. Mais, dans un contexte de restrictions budgétaires – l’enveloppe allouée à l’Afrique subsaharienne est en forte baisse depuis la crise financière (908 millions d’euros en 2010) –, le nouveau ministre devra faire preuve d’imagination. Le continent sera au centre de ses préoccupations, notamment les programmes d’état civil, d’éducation, de santé publique, de réconciliation nationale, pour lesquels la communauté a développé un réel « savoir-faire ». Son autre grand défi sera de réconcilier les Italiens avec eux-mêmes et avec leurs immigrés, que Berlusconi et ses alliés de la Ligue du Nord avaient voués aux gémonies. Adepte du dialogue interreligieux, intercommunautaire et intergénérationnel, il devrait mener des actions concrètes en matière de cohésion sociale, d’intégration et d’aide à la jeunesse.
La grande aventure de Riccardi a débuté en février 1968, quand ce fils de banquier réunit des ex-camarades de lycée pour mener une réflexion sur le thème de la solitude. Imprégnée des Évangiles et des ouvrages des grands philosophes, mais jugeant l’Église trop lointaine, la troupe va aider les habitants des borgate, les quartiers populaires de la banlieue romaine. C’est ainsi que naît Sant’Egidio. Encouragés par leur ami Jean-Paul II, Riccardi et ses « frères » engagent des combats planétaires pour l’abolition de la peine de mort, l’aide aux enfants des rues, aux drogués, aux malades du sida, aux immigrés. Dans les années 1990, ils se font connaître en désamorçant des crises en Europe de l’Est, en Amérique latine et en Afrique. On leur doit notamment l’accord de paix au Mozambique, arraché en 1992 après plus de deux ans de négociations. Au cours de sa vie, Riccardi a serré les mains des pires chefs de guerre comme des plus grands de ce monde, qu’il a cherché à sensibiliser aux règlements des conflits. Il a notamment rencontré George W. Bush, Madeleine Albright, Mikhaïl Gorbatchev, Hubert Védrine et bien d’autres Occidentaux. Le Rwandais Paul Kagamé, le Congolais Denis Sassou Nguesso et son ancien voisin Laurent-Désiré Kabila, les Ivoiriens Guillaume Soro et Simone Gbagbo sont passés par le couvent de Trastevere le temps d’une messe pour la paix ou d’un repas.
Réseau
À 61 ans, Andrea Riccardi n’est peut-être pas aussi connu que le Saint-Père, mais certains lui attribuent l’influence d’un chef d’État. Président d’honneur de la communauté Sant’Egidio, il peut compter sur un réseau de 60 000 membres (religieux, universitaires, cadres et employés) dans plus de 70 nations, dont 20 000 en Afrique. Il pourra s’appuyer sur eux pour mener à bien sa nouvelle mission. Depuis le 15 novembre, les messages de félicitations ont afflué au siège de Trastevere, dont ceux de Nicolas Sarkozy, Alassane Ouattara, Alpha Condé, Faure Gnassingbé, Armando Guebuza et Mahamadou Issoufou.
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