Côte d’Ivoire : la télévision change de régime
Après la crise, la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI) s’apprête à affronter deux défis à hauts risques : l’assainissement de ses finances et la réduction drastique de ses effectifs.
Depuis sa nomination à la tête de la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI), Lazare Aka Sayé enchaîne les séances de travail. Le caractère temporaire de sa fonction – il est directeur général par intérim – ne l’empêche pas de préparer activement la restructuration de la Maison bleue, appelée ainsi à cause de la couleur des bâtiments. « Qu’il s’agisse de moi ou d’un autre, il faut amorcer le mouvement. Dans l’état actuel des choses, la RTI ne pourra jamais faire face à la concurrence. »
En effet, annoncée puis enterrée à plusieurs reprises depuis 2004, l’ouverture du paysage audiovisuel à des chaînes privées ivoiriennes est imminente. C’était une promesse de campagne du président Alassane Ouattara, qui y voit, outre l’occasion de permettre le développement d’une parole libre et diverse, un secteur prometteur en matière d’emplois. Aussi les deux chaînes de télévision nationales RTI 1 et RTI 2 doivent-elles se préparer à affronter des concurrents en interne, bien plus dangereux pour leur survie que les chaînes câblées et payantes disponibles via le réseau français CanalSat.
Ainsi, lors de la relance de ses programmes le 13 octobre, RTI 2 – tout comme la nouvelle RTI 1 en août dernier – a fait sa grande mue. Nouvelles couleurs, nouveaux plateaux télé. Des habillages plus dynamiques et plus « XXIe siècle », comme l’affirment ses concepteurs. Les programmes des deux chaînes ont été légèrement réaménagés, en attendant les grands changements qui s’opéreront d’ici à la fin de l’année.
Pour sa part, la direction planche sur les questions les plus sensibles, à savoir l’assainissement des finances et, par ricochet, la question des effectifs, pléthoriques. Les recettes annuelles de la RTI tournent autour de 5 milliards de F CFA (environ 7,6 millions d’euros), réparties entre les recettes publicitaires et la redevance. Et pourtant, la RTI ne survit que grâce aux subsides de l’État ivoirien. Plus de 900 personnes – administratifs, journalistes, animateurs et techniciens – travaillent dans les quatre médias, alors qu’un audit mené par l’Union européenne estime que les deux tiers des agents ne sont pas indispensables. « Soixante-dix pour cent du budget de la RTI part dans les salaires, ce qui rend quasi impossible l’amélioration des productions ou l’acquisition de nouveau matériel quand le besoin se fait sentir, explique Lazare Aka Sayé. Il va falloir prendre des mesures… »
Inquiétudes des salariés pro-Gbagbo
Des mesures qui impliquent de réfléchir sur la manière de se séparer des deux tiers d’un personnel syndiqué et souvent mal formé. Départs volontaires ? Licenciements ? Non-remplacement des retraités ? « Nous réfléchissons à toutes les options », déclare la direction de la RTI, tout en assurant que les « mesures seront humaines ».
Une promesse qui ne suffit pas à lever les inquiétudes des travailleurs. Notamment ceux dont les opinions étaient proches de celles du régime déchu de Laurent Gbagbo. Ils craignent que cette restructuration ne soit l’occasion, pour les nouvelles autorités, d’étouffer toute voix discordante et de légitimer les règlements de comptes en interne. « Déjà, certains sont mis à l’index, accuse, sous le couvert de l’anonymat, un agent de RTI 2. On parle de suppressions d’emplois et, pourtant, on recrute les agents de la TCI [Télé Côte d’Ivoire, qui émettait depuis le Golf Hôtel, sous blocus, NDLR]. »
« C’est un acte politique et social, justifie le directeur général. Ces personnes ont payé cher leur engagement lors de la crise postélectorale. » Quant à savoir si la RTI ne deviendra pas un média véhiculant une pensée unique, Lazare Aka Sayé est catégorique : « Absolument pas. Même si nous sommes, avant tout, un média d’État. »
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