Sylvestre Amoussou : « La meilleure arme, c’est l’humour »

Après Africa Paradis, le réalisateur béninois Sylvestre Amoussou propose une nouvelle parodie, « Un pas en avant, les dessous de la corruption ». Dans la ligne de mire d’un film au casting remarquable : la corruption.

Sylvestre Amoussou a réussi à rassembler un budget de 2 millions d’euros pour son dernier film. © Vincent Fournier pour Jeune Afrique

Sylvestre Amoussou a réussi à rassembler un budget de 2 millions d’euros pour son dernier film. © Vincent Fournier pour Jeune Afrique

Renaud de Rochebrune

Publié le 23 novembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Le Béninois Sylvestre Amoussou, comédien devenu réalisateur, s’était fait remarquer en 2007 avec Africa Paradis, son premier long-métrage, qui imaginait une Afrique envahie par des immigrés européens chassés par une grave crise économique… Il récidive aujourd’hui avec Un pas en avant, les dessous de la corruption, un sujet fort sérieux abordé sous l’angle de la parodie.

Avec un budget convenable de 2 millions d’euros, il a pu réunir un beau casting – Firmine Richard, Sidiki Bakaba, Fatou N’Diaye – et tourner au Bénin dans de bonnes conditions. Le film, qui a ouvert le dernier Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco) avant de sortir le 9 novembre en France, pèche sans doute par une approche un peu caricaturale du problème. Mais il a le mérite de l’affronter dans son ensemble.

 Il faut instaurer le fédéralisme sur l’ensemble du continent, Maghreb inclus.

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Jeune Afrique : Pourquoi un spécialiste de la comédie s’est-il décidé à aborder un sujet aussi sérieux que la corruption ?

Sylvestre Amoussou : Tout simplement parce que l’humour est la meilleure arme pour parler des questions de société. Or quoi de plus grave que la corruption ? Elle mine le développement et touche tous les pays. Regardez les frégates de Taiwan ou ces affaires de valises qui agitent la France !

Vous considérez-vous comme un réalisateur engagé ?

Non, je ne suis pas un réalisateur engagé, le mot est galvaudé. Je suis un homme intéressé par ce qui se passe dans le monde, en particulier en Afrique. Et je crois qu’il faut sensibiliser les peuples aux sujets importants. La corruption est l’affaire de tous, du plus petit citoyen au plus haut dirigeant. Et elle est partout, car s’il y a des corrompus, c’est qu’il y a des corrupteurs.

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Votre scénario est centré sur une affaire de détournement d’aide humanitaire. Est-ce un choix délibéré ?

Il n’est pas bon que le continent se développe grâce aux aides et à l’appui des ONG. On a vu des organismes de ce type impliqués dans des affaires de corruption et de trafic d’armes. Le mot « corruption » n’existe pas dans les dialectes africains. C’est l’Europe qui nous a appris cela ! Serait-ce pour maintenir son pouvoir en Afrique ? A-t-elle intérêt à développer des pratiques qui créent une certaine anarchie sur le continent, potentiellement riche, qui connaît la plus grande misère ?

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Des raisons d’espérer ?

Le monde est en train de changer, les pays émergents peuvent devenir dominants face aux grandes puissances d’hier. On a pu dire que le scénario d’Africa Paradis était caricatural, alors qu’il décrit ce qui commence à se passer aujourd’hui du fait de la crise, avec ces Européens qui émigrent vers l’Afrique pour vivre mieux.

Mais quelle est la solution d’un développement sain ?

Il faut s’unir. Je suis à 100 % panafricaniste. Il faut instaurer le fédéralisme sur l’ensemble du continent, Maghreb inclus bien sûr.

Le cinéma peut-il sensibiliser les peuples alors que les salles ferment, au Bénin comme ailleurs ?

L’image, c’est le plus efficace. Et mon film sera vu. Il n’y a plus de salles, ou presque, mais il y a la télévision, les DVD… Et des initiatives encourageantes. Regardez au Tchad ou au Mali : on rouvre des salles. C’était même arrivé il y a quelques années au Bénin pour Africa Paradis.

Un pas en avant est financé en partie par le gouvernement béninois, n’est-ce pas étonnant ?

La participation du pouvoir est très faible. Il s’agissait de soutenir la culture, pas ce film précis, dont le contenu lui était inconnu. La très grande majorité des fonds est venue du privé et surtout d’Afrique, cas exceptionnel sur le continent.

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