SAP en mode francophone

Fini le temps où le groupe allemand ne misait que sur Johannesburg et Lagos. Le leader mondial des logiciels de gestion vient d’achever une première tournée en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.

Le leader mondial des logiciels de gestion s’implante en Afrique francophone. © AFP

Le leader mondial des logiciels de gestion s’implante en Afrique francophone. © AFP

Julien_Clemencot

Publié le 15 novembre 2011 Lecture : 4 minutes.

Fin octobre, l’éditeur de logiciels SAP a achevé en Côte d’Ivoire sa première tournée de présentation à destination des pays francophones, après le Sénégal en février, puis le Burkina, le Bénin et le Cameroun. « L’an prochain, nous prévoyons de visiter le Gabon et la RD Congo. Ces rendez-vous sont la preuve de la volonté de SAP de développer ses ventes au-delà de l’Afrique australe et du Nigeria. Auparavant, la prospection commerciale vers ces pays se limitait à des publipostages de documents rédigés en anglais », constate Joël Affoyon, responsable du solution center pour la zone Afrique de l’Ouest et Afrique centrale. Son rôle est d’aider le directeur Afrique Pfungwa Serima et son équipe, basés à Johannesburg, à mieux appréhender ces marchés.

Nouvelle approche

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Pour financer cette nouvelle approche, le siège du groupe, situé à Walldorf, en Allemagne, a débloqué un budget de 500 000 euros en 2011, incluant une campagne de publicité au mois de septembre sur France 24. Et cela porte ses fruits. Des accords devraient être prochainement officialisés en Côte d’Ivoire, avec la direction générale des impôts et le quotidien Fraternité Matin. Reste que, compte tenu de la guerre en Côte d’Ivoire, de la crise des casernes au Burkina, de la dégradation du climat politique au Sénégal et de l’attentisme au Cameroun avant l’élection présidentielle d’octobre dernier, 2011 ne sera pas une grande année.

Cette mauvaise conjoncture ne saurait toutefois remettre en question la volonté du leader mondial de l’informatique de gestion d’accélérer sa reconquête ouest-africaine face à des concurrents – Microsoft et Oracle en tête – mieux implantés localement. « Nous avons aussi de belles références, comme les banques BGFI et Ecobank, et la filiale de Dubai Ports World à Dakar », réagit Joël Affoyon.

Partis pris

La relative discrétion de SAP dans les pays francophones s’explique notamment par la barrière de la langue. Mais c’est surtout la conséquence d’un parti pris longtemps assumé en faveur des grandes entreprises sud-africaines comme ShopRite, Pick’n Pay, AngloGold Ashanti ou De Beers. Une zone dans laquelle SAP bénéficie depuis les années 1990 de relais efficaces, à l’image de la division consulting du cabinet Deloitte Touche Tohmatsu. Mais désormais l’état-major du groupe voit plus grand. Peu à peu, les choses se mettent d’ailleurs en place. Ancien de Microsoft Nigeria, Marius Moantsoga vient d’être recruté par le quartier général africain comme directeur régional pour superviser les pays francophones (hors Maghreb, géré depuis la France).

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Pour servir ses ambitions, SAP mise sur un produit phare dénommé All-in-One (« tout en un »), une solution préconfigurée en fonction du secteur d’activité (éducation, santé, banque, logistique, médias, télécoms…). « Pour concevoir un progiciel de gestion sur mesure, il faut au moins neuf mois, et son implémentation peut durer trois ans. Avec All-in-One, la solution est prête en trois mois et intègre en plus des spécificités réglementaires liées à la zone ainsi que l’expérience accumulée par SAP : en clair, quand le groupe Dangote choisit cette solution, il profite du travail fait pour Lafarge il y a plusieurs années », résume Joël Affoyon.

Des concurrents mieux implantés

« Notre principal adversaire s’appelle Excel, beaucoup d’entreprises fonctionnant encore avec de simples tableurs pour effectuer leurs reportings », répond Joël Affoyon quand on lui parle de la concurrence. S’il est vrai que l’Afrique reste, dans le domaine des progiciels de gestion, un marché en devenir, la compétition entre les leaders du secteur n’en est pas moins forte. Microsoft, Oracle et Sage constituent pour SAP les adversaires les plus sérieux, les deux premiers pouvant notamment s’appuyer sur leurs bureaux à Dakar et Abidjan pour décrocher des contrats dans les pays francophones. « La proximité avec la clientèle est un élément essentiel dans une relation commerciale », reconnaît Joël Affoyon. À quand une représentation de SAP en Afrique francophone ? « Des réflexions sont en cours », glisse une source interne.

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Pour SAP, cette stratégie permet surtout d’offrir des produits financièrement accessibles – à partir de 16 000 euros pour cinq licences – et ainsi d’« évangéliser » de nouveaux clients, susceptibles à terme d’acheter des services complémentaires. Autres arguments de SAP pour convaincre ses prospects : l’amélioration de l’ergonomie de ses logiciels et l’intégration des outils d’intelligence économique de l’entreprise française Business Objects, absorbée en 2008.

Manque de partenaires

Reste que, pour atteindre son objectif, le groupe allemand, qui privilégie une stratégie de vente indirecte en raison de l’étroitesse des marchés, doit recruter des partenaires capables d’implémenter ses solutions. Et la partie est loin d’être gagnée : SAP ne totalise que 17 partenaires en Afrique de l’Ouest, dont 11 au Nigeria, alors qu’ils sont 117 en Afrique du Sud. « Peu de sociétés d’ingénierie locales répondent à nos critères, et le processus de référencement est long », reconnaît Joël Affoyon. L’ivoirien Alink aura ainsi patienté un an avant d’être officiellement intronisé. Surprenant pour une entreprise qui a fait de l’efficacité un fonds de commerce.

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