Togo – Électricité : En attendant de mettre les gaz

Pour être moins dépendant de ses voisins, le Togo développe ses capacités de production. Il mise sur le thermique, qui ne tournera à plein qu’avec l’ouverture du pipeline ouest-africain.

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Publié le 24 novembre 2011 Lecture : 4 minutes.

Togo : l’art délicat du rebond
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Togo : l’art délicat du rebond

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Fiers et orgueilleux, ses réservoirs surplombent la capitale et ses moteurs vrombissent. Au grand bonheur des Togolais, lassés par des années de déficit énergétique. Exploitée depuis avril 2010, la nouvelle centrale thermique a été construite à la périphérie de Lomé par l’américain ContourGlobal pour un coût total de 209 millions de dollars (environ 150 millions d’euros). Ses turbines, prévues pour fonctionner au fioul lourd ou au gaz naturel – quand ce dernier sera disponible via le gazoduc ouest-africain (West African Gas Pipeline, WAGP) –, pourront produire jusqu’à 100 MW en pleine capacité. De quoi en faire le symbole de la volonté politique de réduire le déficit en électricité qui grève l’activité économique et mine le quotidien des Togolais, et, surtout, de diminuer la dépendance du pays à l’égard de ses voisins, dont le Ghana.

« Sur les 576 millions de kWh consommés par le Togo en 2005, 486 millions étaient importés du Ghana », rappelle Yann Beutler, directeur général de ContourGlobal Togo. Aujourd’hui, la centrale produit 30 % de l’énergie consommée dans le pays ; le reste est acheté à la Volta River Authority du Ghana et à la Compagnie ivoirienne d’électricité par la Communauté électrique du Bénin (CEB, société de distribution de l’électricité commune au Togo et au Bénin).

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Faux départ

Pour Lomé, l’enjeu est de sécuriser ses approvisionnements. D’autant qu’Accra est contraint de réduire ses exportations depuis que son économie a amorcé une forte croissance et que sa demande interne en électricité augmente de 5 % par an. Les problèmes d’étiage du lac Volta, qui alimente le barrage hydroélectrique d’Akossombo, entraînent une baisse de la production au Ghana et contribuent donc à réduire son offre à l’export.

La question régionale du déficit énergétique devrait être résolue avec l’aboutissement du projet de gazoduc ouest-africain, destiné à transporter le gaz naturel en provenance du Nigeria vers les marchés ghanéen, béninois et togolais. Ces approvisionnements permettront d’alimenter des centrales thermiques, en complément aux complexes hydroélectriques déjà en fonction. Prévue en 2010, la mise en exploitation du pipeline a été repoussée à plusieurs reprises. L’approvisionnement en gaz naturel par la West African Gas Pipeline Company (Wapco) a partiellement repris au Ghana depuis la mi-2010 – après un faux départ un an plus tôt –, mais aucune livraison n’est encore parvenue au Togo.

Dans un premier temps, il est prévu que 3,8 millions de m3 soient livrés quotidiennement. Ils seront répartis entre l’État ghanéen (3,5 millions de m3) et la CEB (0,3 million de m3), qui les distribuera au Bénin et au Togo : de quoi produire 20 MW dans chacun des deux pays. Ce volume permettra au Togo de couvrir environ 15 % de ses besoins en électricité, estimés à 130 MW.

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En attendant la livraison des premiers mètres cubes de gaz nigérian, le gouvernement a acquis quatorze groupes électrogènes de 20 MW et poursuit son programme d’électrification, avec l’ob­jectif de porter la couverture à 25 % des villes et des campagnes dans les deux prochaines années.

Reste un problème de coût pour les consommateurs. Le 28 décembre 2010, l’État a été contraint d’annoncer une augmentation de 7 % à 20 % du prix de l’électricité, effective depuis janvier dernier. « Le client doit s’habituer à payer l’énergie à son juste prix », justifie Yann Beutler. En effet, la fin de la politique de subvention ne permet plus « d’alléger la facture ». Toutefois, les ménages les plus modestes, qui représentent 70 % des clients, n’ont pas subi plus de 10 % d’augmentation.

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Un pied dans le renouvelable

Antoine Agondeh-Pali, responsable de la filiale africaine d’Eco Delta, prépare l’implantation d’une ferme éolienne au nord de la capitale.

Il rêve de faire du marécage d’Abobo, au nord de Lomé, un site dévolu à l’énergie propre. Antoine Agondeh-Pali, formé à l’École militaire préparatoire technique de Bingerville (Côte d’Ivoire) et à Nîmes (France), veut y implanter le tout premier parc éolien d’Afrique de l’Ouest et se bat pour obtenir la signature du contrat de concession avec l’État togolais avant la fin de l’année.

Patron de la filiale Afrique du groupe français Eco Delta, un développeur et exploitant de fermes éoliennes et solaires, ce Togolais de 61 ans espère pouvoir injecter d’ici à fin 2012 plus de 50 GWh en moyenne annuelle dans le réseau de la Communauté électrique du Bénin (CEB, qui dessert le Bénin et le Togo), soit 25,2 MW de puissance installée. Les conditions météorologiques sont, selon lui, « plus que favorables » : des études ont mesuré la vitesse moyenne du vent à 6,2 m/seconde, alors qu’il suffit de 3 m/s pour faire fonctionner les éoliennes.

Le projet, d’un coût de 27,5 milliards de F CFA (42 millions d’euros), prévoit d’implanter quatorze éoliennes d’une hauteur de 135 m et dotées de trois pales de 50 m de long, pour une puissance de 1,8 MW.

S’il attend que les formalités admi­nistratives aboutissent pour commander ces équipements, Antoine Agondeh-­Pali prévient d’ores et déjà que trois grands constructeurs seront mis en concurrence : le danois Vestas, leader mondial du ­secteur, l’allemand Siemens et l’espagnol Gamesa.

L’énergique sexagénaire n’est pas peu fier de relever ce défi technologique pour le continent. Ancien du Transgabonais (1977-1989), passé par Air Liquide en Côte d’Ivoire entre 1989 et 1991, avant de s’en aller implanter, entre 2000 et 2002, les pylônes de la Société camerounaise des mobiles (reprise plus tard par Orange), le grand voyageur va où le vent le porte. G.D.

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