Livre : « La France noire » raconte trois siècles de négritude
Par Alain Mabanckou, écrivain franco-congolais.
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Alain Mabanckou
Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.
Publié le 11 novembre 2011 Lecture : 2 minutes.
À quelques mois de l’élection présidentielle en France, ce « beau livre » qu’est La France noire, trois siècles de présences tombe à pic. Depuis que la question de l’immigration est devenue un enjeu politique et démagogique, beaucoup de Noirs de France estiment qu’ils seraient mieux traités dans les pays anglophones – la situation de leurs « frères » vivant dans cet espace leur paraissant plus supportable… Pourtant, avant la Révolution française et, dans une certaine mesure, pendant la période coloniale, il valait mieux être un Noir en France qu’ailleurs. On le vit avec l’arrivée massive des intellectuels noirs américains à Paris, victimes dans leur pays de la ségrégation raciale. « Ce n’est que depuis les années 1980 que ce sentiment, cet attrait pour la France décline, et qu’un Noir se dit plus libre, plus accepté et plus reconnu en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou à Johannesburg, alors que la citoyenneté est désormais un droit pleinement acquis en France. »
Ce livre matérialise l’apport irréfutable des « présences noires ».
Les présences de Noirs en France remontent à trois siècles. Trois siècles pendant lesquels les populations d’Afrique, de la Caraïbe, de l’océan Indien et des États-Unis ont contribué à bâtir et à préserver la nation française. Le Noir a bien entendu changé de « statut » selon les époques : il est passé du stade d’affranchi à celui de sujet colonial ; de celui d’indigène à celui de « tirailleur sénégalais ». Il est ensuite devenu le « Nègre », puis tout simplement le Noir, avant d’être perçu comme un immigré et, dans les années 1990, comme un « Black ». Depuis les années 2000, les débats portent sur la citoyenneté des « Noirfrançais », ces minorités visibles qui ne souhaitent plus être reléguées à l’arrière-cour de la République, comme dans Moi aussi, le poème de Langston Hughes où « le frère à la peau sombre » qui mangeait jusque-là à la cuisine se révolte et hurle qu’il est lui aussi l’Amérique et que lorsque viendra du monde, il se mettra à table. La France ne peut plus fermer les yeux face à ces « sans-voix » qui sont présents sur tout le territoire…
Parions que La France noire deviendra vite un ouvrage de référence. La clarté de son propos lui garantit une audience très large. Plusieurs penseurs et chercheurs de renom (Achille Mbembe, Pap Ndiaye, Dominic Thomas, Elikia M’Bokolo, Françoise Vergès, François Durpaire…) y ont apporté le fruit de leur expérience. Le résultat est frappant, avec plus de 750 documents, photos, coupures de presse et iconographies qui matérialisent les apports irréfutables de ces « présences noires » qu’on ne trouvera pas forcément dans les manuels qui racontent l’histoire officielle de la France…
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La France noire, trois siècles de présences, sous la direction de Pascal Blanchard, Sylvie Chalaye, Éric Deroo, Dominic Thomas et Mahamet Timera, édition La Découverte, 2011 360 pages, 59 euros.
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