Photographie : regards d’artistes africains

Le mois de novembre vient parachever une année très riche en expositions consacrées au travail des photographes africains. À l’heure où s’ouvrent les Rencontres de Bamako (Mali), Jeune Afrique vous présente sa sélection.

Photographie tirée de la série « Halaal art » des Sud-Africains Hasan et Husain Essop. © Hasan et Husain Essop

Photographie tirée de la série « Halaal art » des Sud-Africains Hasan et Husain Essop. © Hasan et Husain Essop

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 4 novembre 2011 Lecture : 4 minutes.

Si la photographie d’art existe depuis belle lurette en Afrique, sa visibilité sur la scène contemporaine est, pendant des lustres, restée inversement proportionnelle au talent déployé. En ce sens, l’année 2011 marque un véritable tournant. Qu’on en juge : du 24 mai au 25 septembre, le prestigieux musée parisien du Jeu de Paume consacrait une importante rétrospective au travail du photographe sud-­africain Santu Mofokeng. Quelques mois auparavant, entre janvier et avril, la Fondation Henri Cartier-Bresson honorait le travail de son compatriote David Goldblatt. Outre-Manche, le Victoria & Albert Museum réunissait pour sa part dix-sept artistes majeurs représentant les tendances actuelles de la photo au pays de Mandela. Si l’on ajoute à cela le fait que le dernier World Press Photo of the Year a été remis à la Sud-Africaine Jodi Bieber, pour l’image d’une Afghane au nez tranché, il est possible de croire que seule la nation Arc-en-Ciel produit des artistes d’envergure internationale. Rassurons-nous, la fin de l’année 2011 prouve le contraire.

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"Soif"

© Omar Victor Diop

Jusqu’au 11 novembre, la 3e biennale des images du monde (Photoquai), organisée par le musée du Quai Branly, présente des artistes comme la Togolaise Hélène Amouzou, le Marocain Hassan Hajjaj, la Tunisienne Nicène Kossentini, l’Éthiopien Michael Tsegaye ou encore le Tanzanien Mwanzo Millinga. Pendant ce temps, en plus de consacrer une belle rétrospective à Jean Depara (à Paris, jusqu’au 17 décembre), photographe né en Angola, Revue noire publie trois magnifiques livres « de poche » sur trois grands photographes : Jean Depara, bien sûr, mais aussi le Sénégalais Mama Casset et le Camerounais Samuel Fosso. Est aussi annoncé pour le 10 novembre un livre consacré au travail du plasticien Zwelethu Mthethwa… Trouvera-t-on le temps de respirer ? Non, parce que le 1er novembre a commencé au Mali la neuvième édition des Rencontres de Bamako, organisées par le ministère de la Culture, en partenariat avec l’Institut français et Jeune Afrique, et où le Sénégalais Omar Victor Diop (voir photo ci-dessus) a fait forte impression. La manifestation, qui dure jusqu’au 1er janvier 2012, a pour thème : « Pour un monde durable ». Elle offre l’occasion de découvrir une cinquantaine de « nouveaux talents », témoins d’une extraordinaire vitalité créative, mais aussi de redécouvrir le travail des pères fondateurs, tels les Maliens Malick Sidibé, Abderramane Sakaly et Soungalo Malé.

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La photographie "africaine" n’existe pas

Quels enseignements tirer de cette effervescence ? D’abord, que la photographie « africaine » n’existe pas. Il y a autant de démarches artistiques que de photographes, et ce serait se fourvoyer que d’insister seulement sur leurs points communs. Si les Français Henri Cartier-Bresson et Robert Doisneau ont tous deux photographié Paris, ne serait-il pas réducteur d’analyser leur travail sous le seul angle des similitudes… En réalité, ce que les expositions et événements de l’année 2011 viennent démontrer avec brio, c’est l’inscription dans le paysage artistique de démarches purement plasticiennes qui se tien­nent prudemment à distance du photo­reportage, plus lié à l’actualité.

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Quand le Sud-Africain Daniel Naudé photographie des animaux (voir ci-contre), quand le Marocain Khalil Nemmaoui photographie un arbre isolé (voir ci-dessus), ils s’interrogent sur les rapports profonds que nous entretenons avec la nature. Ni esthétisants ni racoleurs, ils prennent le risque de l’incompréhension et du rejet en s’éloignant des codes établis. Puissent les collectionneurs, les galeries et les musées du monde leur apporter tout le soutien dont ils ont besoin.

Novembre, le mois des images

Bamako

• « L’exposition panafricaine »

Réunit 45 photographes et 10 vidéastes issus de 27 pays. Le commissariat est assuré par Michket Krifa et Laura Serani.

Musée national du Mali, jusqu’au 1er janvier 2012

• David Goldblatt, Ex-Offenders

Figure majeure de la photo sud-africaine, David Goldblatt a photographié des criminels sur le lieu de leur délit, après leur sortie de prison.

Musée du district de Bamako, jusqu’au 1er janvier 2012

• Philippe Bordas, Les Chasseurs du Mali

Connu pour ses photos de boxeurs kényans et de lutteurs sénégalais, Philippe Bordas s’est intéressé à la confrérie des chasseurs.

Institut français de Bamako, jusqu’au 21 dé­cembre 2011

• Collection Sindika Dokolo

Riche Congolais vivant en Angola, Sindika Dokolo aurait rassemblé la plus importante collection d’art contem­porain africain. Pour cette exposition, le commissaire Simon Njami a choisi de travailler sur la « représentation de soi-même » par des artistes tels que Jean Depara, Samuel Fosso ou encore Tracey Rose.

Musée national du Mali, jusqu’au 1er janvier 2012

• Sougalo Malé, Abderramane Sakaly, Malick Sidibé

Les pères de la photo malienne honorés… et conservés grâce à un projet de documentation et de numérisation. Leur regard constitue un riche patrimoine artistique et historique.

Musée national du Mali, jusqu’au 1er janvier 2012

• « Le Printemps arabe »

En partenariat avec l’Institut français du Caire, l’inévitable hommage aux artistes des révolutions de 2011.

Mémorial Modibo Keïta, jusqu’au 1er janvier 2012

Paris

• « African Emerging Photography »

Une sélection de jeunes artistes africains choisis par les commissaires des Rencontres de Bamako, Michket Krifa et Laura Serani, à l’occasion de Paris Photo 2011.

Grand Palais, du 10 au 13 novembre 2011

• Photoquai

La biennale des images du monde organisée par le musée du Quai Branly.

Musée du Quai Branly, jusqu’au 11 no­vembre 2011

• Jean Depara, « Night & Day in Kinshasa, 1951-1975 »

Une rétrospective organisée par la Maison Revue noire sur le travail du photographe angolais. 150 photos pour s’imprégner de l’atmosphère d’une époque.

Maison Revue noire, jusqu’au 17 décembre 2011

• « Events of the Self : Portraiture and Social Identity »

Tirée du fonds africain de la collection de l’homme d’affaires (ex-Goldman Sachs) Artur Walther, cette exposition dirigée par l’Americano-Nigerian Okwui Enwezor confronte des portraits de trois générations de photographes africains, dont Seydou Keïta, Malick Sidibé, Sammy Baloji, Zanele Muholi, David Goldblatt, Santu Mofokeng…

Grand Palais, du 10 au 13 novembre 2011

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