Birmanie : un vent d’ouverture sur Rangoon

Contre toute attente, le président birman Thein Sein – un ancien général – a entrepris de libéraliser le régime militaire en place depuis 1962 en Birmanie. Est-ce un nouveau Mikhaïl Gorbatchev ?

Le président birman Thein Sein multiplie les réformes et les signes d’ouverture. © Frederic J. Brown/AFP

Le président birman Thein Sein multiplie les réformes et les signes d’ouverture. © Frederic J. Brown/AFP

Publié le 4 novembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Un demi-siècle après le coup d’État qui installa les militaires au pouvoir, la Birmanie connaît depuis le printemps un vent de réformes sans précédent. Dans le passé, des insurrections populaires avaient déjà eu lieu, mais elles avaient été réprimées dans le sang, qu’il s’agisse du soulèvement démocratique du « 8888 », le 8 août 1988, ou de la « révolution safran » (la révolte des ­bonzes), en 2007. Cette fois, contrairement aux révolutions arabes, dont l’impulsion a été donnée par les masses populaires frustrées, c’est du gouvernement que résultent les changements spectaculaires survenus au cours des derniers mois.

Amnisties

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Depuis son arrivée au pouvoir, en mars, après la dissolution de la junte militaire, l’ancien général Thein Sein a multiplié les gestes politiques forts. Il a d’abord repris le dialogue avec l’opposante Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix 1991, dont l’assignation à résidence a été levée à l’automne 2010 (celle-ci juge « très positive » l’évolution en cours), puis notablement assoupli la censure des médias et d’internet. Mieux, 6 359 détenus, dont 200 prisonniers politiques, ont été amnistiés, puis relâchés, à la mi-octobre. Et à en croire Ko Ko Hlaing, le conseiller politique du président, les libérations devraient se poursuivre : « J’ai le sentiment, dit-il, que le gouvernement pourrait bientôt offrir une amnistie aux derniers prisonniers de conscience. Pourquoi devraient-ils rester en prison alors que d’autres ont été libérés ? » Ce geste de bonne volonté est sans doute de nature à convaincre la communauté internationale, qui hésite encore entre enthousiasme et scepticisme, de la sincérité des réformes et à entraîner la levée des sanctions économiques mises en place dans les années 1990. À ceci près que la Birmanie affirme ne détenir que 600 prisonniers politiques, quand une association spécialisée en recense trois fois plus.

Mais les mesures gouvernementales ne s’arrêtent pas là. Grâce à une loi entrée en vigueur fin octobre, les travailleurs ont désormais le droit « de former des organisations syndicales et de faire grève », ce qui leur était interdit depuis un demi-siècle. Sont toutefois exclus quatre secteurs jugés essentiels : la distribution de l’eau et de l’électricité, les télécommunications, les services de santé et ceux d’urgence.

Frustrations chinoises

Pour couronner le tout, Thein Sein a annoncé l’arrêt du projet de construction, violemment critiqué, du barrage de Myitson, financé par les Chinois dans le nord de l’État de Kachin. Une fois achevé, cet ouvrage sur le fleuve Irrawaddy aurait provoqué l’engloutissement sous les eaux d’une région grande comme Singapour, au bénéfice, essentiellement, de la Chine : 90 % de l’électricité fournie lui aurait été destinée. Mais le chef de l’État a-t-il vraiment abandonné ce projet de 3,6 milliards de dollars au nom du seul « respect de la volonté du peuple » ? Non, bien sûr. Derrière sa décision populiste se cache la crainte d’une flambée de violence antichinoise comparable à celle qui embrasa Rangoon en 1967. D’autant qu’un tel soulèvement pourrait recevoir le soutien d’une partie de l’armée, qui n’a jamais caché son hostilité à l’égard de la République populaire.

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C’est d’ailleurs dans un même but de rééquilibrage régional, et afin d’atténuer sa dépendance envers son puissant voisin, que Thein Sein s’est rendu à New Delhi à la mi-octobre. Enfin, le chef de l’État a réitéré ses appels de paix aux groupes armés qui sévissent dans le nord du pays.

Aucun doute, donc : un étonnant processus d’ouverture a bel et bien démarré en Birmanie. Thein Sein est-il pour autant une sorte de Mikhaïl Gorbatchev, aux premiers temps de la perestroïka ? L’avenir le dira. 

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