Libération de Gilad Shalit et Salah Hamouri : deux poids, deux mesures
Si la présidence française s’est beaucoup mobilisée pour le soldat franco-israélien Gilad Shalit, capturé par le Hamas puis libéré le 18 octobre dernier, elle a fait bien peu de cas de Salah Hamouri, jeune militant franco-palestinien détenu en Israël depuis 2005.
Le 25 juin 2006, quand le Franco-Israélien Gilad Shalit, 19 ans, est capturé par le Hamas, le Franco-Palestinien Salah Hamouri, 21 ans, croupit déjà depuis quinze mois dans une geôle israélienne. Condamné le 17 avril 2008, sans possibilité d’appel, à sept ans de prison par un tribunal militaire pour sa participation présumée au projet d’assassinat du rabbin Ovadia Yossef, chef spirituel du parti d’extrême droite Shass, et pour son appartenance supposée au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), interdit en Israël, Hamouri était libérable le 28 novembre prochain. Mais les Israéliens ont décidé, le 26 octobre, de lui appliquer une loi permettant de convertir rétroactivement les années administratives en années civiles, prolongeant de cent quarante jours la détention de Hamouri, qui ne sera donc libéré que le 12 mars 2012.
Né à Jérusalem d’un père palestinien et d’une mère française, Hamouri s’engage très tôt dans la lutte pour l’indépendance. En 2001 et 2004, il est brièvement incarcéré. Le 13 mars 2005, alors étudiant en sociologie, il est arrêté sur la route de Ramallah sur une dénonciation anonyme l’accusant d’appartenir au FPLP. Trois mois auparavant, des caméras l’avaient filmé passant en voiture devant la demeure du rabbin Yossef. Il n’en faut pas plus pour convaincre la justice israélienne. Après trois ans de détention sans jugement, il accepte le compromis proposé par son avocate : comme 95 % des prisonniers politiques palestiniens, il plaide coupable afin de ne pas voir sa peine portée à quatorze ans. Mais il refuse d’être extradé vers la France.
« Cela l’aurait privé de la possibilité de retourner à Jérusalem », explique Jean-Claude Lefort, ex-député communiste français et coordinateur de son comité de soutien. Lors de ses demandes de libération anticipée, il n’exprime pas de regrets pour des actes dont il continue à nier la réalité. « Je déplore que les autorités israéliennes n’aient pas pris de décision de remise de peine, d’autant que les aveux faits à l’audience n’ont été corroborés par aucun élément de preuve », déclare le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé, en mars 2011.
Atterrés
Le 14 octobre, à l’issue de sa rencontre avec Nicolas Sarkozy, le président Mahmoud Abbas saluait les « efforts considérables » de la France pour obtenir la libération de Shalit et l’appelait à en faire autant pour le Franco-Palestinien. Le 18 octobre, jour de la libération de Shalit, le chef de l’État français formule l’espoir que Hamouri fera partie de la seconde vague de prisonniers palestiniens libérés en échange de Shalit, le 18 décembre. « C’est la première fois qu’il cite son nom en public », regrette sa mère, Denise Hamouri-Guidoux, avant de s’emporter : « Salah est libérable le 28 novembre. Pourquoi Sarkozy veut-il le faire rester trois semaines de plus en prison ? »
Le lendemain de la négligence présidentielle, l’aveu de Gérard Longuet, ministre de la Défense, reconnaissant son ignorance totale du dossier, achève d’atterrer le comité de soutien. Alors que Sarkozy insiste sur le fait qu’il a rencontré « douze ou treize fois » le père de Gilad, la mère de Salah n’a été reçue que deux fois par des conseillers diplomatiques. En juin 2010, l’un d’eux, Jean-David Levitte, lui affirme que « pour le président, les deux jeunes sont des Français et qu’il les défendait de la même façon ».
Mais en juin 2011, le porte-parole du Quai d’Orsay déclare qu’il « n’y a pas lieu de faire un parallèle entre les deux situations. Hamouri a été jugé par la justice israélienne. Il est en prison ». Deux poids, deux mesures, s’empressent de dénoncer les soutiens de Hamouri, qui rappellent l’ardeur de Paris à demander la libération de Clotilde Reiss et de Florence Cassez, détenues respectivement en Iran et au Mexique. Pour Jean-Claude Lefort, « le cas de Salah est un marqueur de la nouvelle politique française au Proche-Orient : elle a toujours de belles paroles, mais, en réalité, elle s’aligne sur Israël et les États-Unis ». L’annonce par les Israéliens du report de sa libération le lendemain même où Alain Juppé a demandé sa libération en dit long sur l’impuissance de la France. Mais les parents du Franco-Palestinien, ne désespèrent pas « de voir Paris accentuer la pression sur Israël » pour que leur fils soit tout de même libéré le 28 novembre.
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