Arabie Saoudite : Nayef Ibn Abdelaziz, un prince pas très charmant
Ultraconservateur et partisan de la manière forte, Nayef Ibn Abdelaziz, le ministre saoudien de l’Intérieur est désormais l’héritier du trône.
Si Abdelaziz Ibn Saoud, fondateur du royaume saoudien, avait choisi son fils aîné pour lui succéder, c’est la règle dynastique prévoyant la transmission du pouvoir aux frères du souverain disparu par rang d’âge qui a prévalu par la suite. Cinquième fils d’Ibn Saoud à régner, Abdallah Ibn Abdelaziz, 88 ans, vient de se faire opérer une troisième fois du dos, et le décès, le 22 octobre, de son demi-frère et héritier, Sultan, 83 ans, des suites d’un cancer a fait de son autre demi-frère, Nayef, 78 ans, atteint de diabète et d’ostéoporose, son successeur à la tête du royaume. Le 27 octobre, le Conseil d’allégeance, institué en 2006 pour clarifier la procédure de désignation et l’ouvrir aux jeunes générations, a confirmé le choix déjà exprimé par le roi en 2009, lorsqu’il a nommé Nayef second vice-Premier ministre.
Issu du puissant clan des Soudayri (les fils de l’épouse favorite d’Ibn Saoud), Nayef occupe, depuis 1975, le poste clé de ministre de l’Intérieur. Face à la politique plutôt progressiste du roi Abdallah, Nayef, proche des religieux et hostile aux tentatives de modernisation menées par le souverain depuis son accession au trône en 2005, fait figure de conservateur, voire de réactionnaire. Affichant avec fierté son attachement aux traditions ancestrales et à la pureté religieuse du wahhabisme – doctrine rigoriste des Saoud depuis le XVIIIe siècle –, il ne dissimule pas son mépris pour les États arabes, selon lui occidentalisés, du Proche-Orient et du Maghreb. Il aurait ainsi été l’instigateur, en 2009, de l’interdiction du seul festival de cinéma du pays et, en avril 2011, d’une loi sur la presse punissant sévèrement les atteintes à la sécurité nationale et aux préceptes de l’islam.
La carotte et le bâton
Ayant d’abord ouvertement dénoncé un complot sioniste derrière les attentats du 11 septembre 2001, il s’était fortement discrédité aux yeux de Washington et aurait pu tomber en disgrâce s’il n’avait combattu avec succès le terrorisme qui a frappé l’Arabie saoudite entre 2003 et 2006. Parvenant, avec son fils Mohamed, vice-ministre de l’Intérieur, à bouter Al-Qaïda hors du royaume, il s’est retrouvé en position de force pour succéder à son demi-frère.
Responsable des forces de sécurité et de la police religieuse, Nayef voit d’un très mauvais œil le Printemps arabe, qui menace de faire fleurir la contestation dans le royaume, plus particulièrement dans la province orientale, où vit une forte communauté chiite discriminée. Quand le souverain Abdallah cherchait à prévenir la contestation en déversant 130 milliards de dollars (92 milliards d’euros) de primes et d’aides, Nayef, lui, déployait ses forces de sécurité à Riyad et dans les provinces séditieuses. Certains commentateurs voient d’ailleurs dans le couple formé par Abdallah le réformiste et Nayef le conservateur la complémentarité de la carotte et du bâton, indispensable à la survie du système saoudien.
Quand la révolution a commencé à poindre chez le voisin bahreïni, Nayef a appuyé l’envoi de milliers de soldats saoudiens, au nom du Conseil de coopération du Golfe (CCG), pour aider le roi contesté à réprimer le soulèvement. Son animosité à l’égard de l’Iran, dont il dénonce les agissements subversifs auprès des chiites des provinces orientales et de Bahreïn, le porterait à vouloir brûler tout le nid de vipères plutôt qu’à simplement « couper la tête du serpent », comme l’a suggéré le roi Abdallah à ses interlocuteurs américains en 2008. De quoi nourrir quelques craintes pour l’avenir d’une région qui pourrait être prise en tenaille entre une république islamique chiite dotée de l’arme nucléaire et un royaume wahhabite dirigé par le faucon Nayef Ibn Abdelaziz.
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