Après les élections, quel avenir pour la Tunisie ?

Le 23 octobre, les Tunisiens ont élu une Assemblée constituante. Le plus difficile reste à faire : tracer les contours de nouvelles institutions démocratiques.

Une femme vote, le 23 octobre 2011 © Nicolas Fauqué pour Jeune Afrique

Une femme vote, le 23 octobre 2011 © Nicolas Fauqué pour Jeune Afrique

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 2 novembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Ce 23 octobre, le laboratoire tunisien a mené avec succès sa première expérience : l’organisation d’un scrutin libre, pluraliste (c’est le moins que l’on puisse dire…) et transparent. Les pionniers du Printemps arabe entament donc l’automne toujours vêtus de leurs habits d’éclaireurs sur la route de la démocratie. Malgré l’inquiétude permanente qui rythme la vie du pays depuis la chute de Ben Ali, les accès de fièvre, une situation socio-économique précaire, la guerre libyenne et une inclination certaine à la division, la majorité des Tunisiens, responsables politiques comme citoyens, ont accompli leur devoir sagement et ainsi montré l’exemple. Bravo !

Nous avons assisté à quelques surprises, dont certaines de taille, comme il y en a toujours. Mais les résultats sont logiques. Surtout si l’on tient compte d’un paramètre majeur : une offre politique subitement pléthorique, des partis ou des personnalités quasi inconnus des électeurs et, donc, l’impérieux besoin d’être rassuré.

La bombe Hamdi

Originaire de Sidi Bouzid comme Mohamed Bouazizi, le héros de la révolution, Hachemi Hamdi a fait la sienne… depuis Londres ! Multipliant les promesses démagogiques, l’homme d’affaires a présenté des candidats sous l’étiquette Al-Aridha Al-Chaabiya (« la Pétition populaire ») et sa télévision, Al-Mustakillah, basée dans la capitale britannique, s’est consacrée à sa campagne 24 heures sur 24. À l’antenne, des personnes démunies n’ont cessé de quémander, par téléphone, son aide financière.

Jugeant qu’il a enfreint la loi, l’Instance supérieure indépendante pour les élections a invalidé six de ses listes, ce qui ne l’a pas empêché de remporter 19 sièges, provoquant un tollé dans la société civile, suivi par des émeutes orchestrées par sa tribu, à Sidi Bouzid. De guerre lasse, Hamdi a retiré tous ses élus. Personnage folklorique, islamisant et énigmatique, celui que l’on surnomme « la girouette » se flatte d’être l’ami du président déchu Ben Ali, qui lui aurait téléphoné le 14 janvier, quelques heures avant sa fuite.

Abdelaziz Barrouhi, à Tunis.

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Les performances d’Ennahdha, du Congrès pour la République (CPR) ou d’Ettakatol illustrent en grande partie le choix des Tunisiens : confier leurs suffrages à des formations connues, rassembleuses, et dont la ligne n’a jamais varié. Même s’ils ont adopté des stratégies différentes, aucun de ces mouvements n’a frayé avec l’ancien régime. Aucun n’a versé dans l’attaque de ses concurrents lors de la campagne. Tous ont une solide réputation d’honnêteté et de rigueur morale. Les seuls véritables fanaux d’une traversée à risque, en somme…

Reste le cas d’Al-Aridha Al-Chaabiya (« la Pétition populaire ») de Hachemi Hamdi, véritable apprenti sorcier de la politique devenu pyromane depuis son retrait de la Constituante, qui a provoqué l’embrasement de Sidi Bouzid. Cet homme d’affaires irresponsable, qui ne recule devant rien, s’est mué, le temps de la campagne, en aspirateur à voix des plus démunis, leur promettant la lune, ainsi que Mars et Jupiter, invoquant à longueur d’émissions la mémoire de Mohamed Bouazizi sans jamais fouler le sol où il dit plonger ses racines. Son succès en dit long cependant sur l’immense désarroi de toute une région… L’émiettement de l’échiquier politique, tout comme la défiance exprimée par nombre de Cassandre à l’encontre d’Ennahdha, augurent cependant des lendemains difficiles. Il faudra beaucoup de sang-froid et de raison pour réussir la prochaine étape : la rédaction de la future Constitution et la formation d’un gouvernement, d’autant que le pays ne pourra supporter longtemps un taux de croissance anémique et que l’on se contente de gérer les affaires courantes. Les Tunisiens ont démontré, depuis le 14 janvier, qu’ils savent prendre leurs responsabilités. Espérons que la classe politique fera de même. 

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