Terrorisme : de Munich à New York, une histoire de l’islam radical

Le journaliste canadien Ian Johnson a enquêté sur les trajectoires atypiques de certains musulmans issus des minorités soviétiques, financés successivement par les nazis puis par les services secrets américains. Retraçant une sorte de préhistoire du terrorisme islamique moderne.

La mosquée de Munich est devenue la pépinière d’un islam radical. © Ralf Kreuels pour Jeune Afrique

La mosquée de Munich est devenue la pépinière d’un islam radical. © Ralf Kreuels pour Jeune Afrique

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 7 novembre 2011 Lecture : 2 minutes.

Comment une petite mosquée allemande construite à la fin des années 1960 devint-elle la pépinière d’un islam radical aux ramifications mondiales – et le point de départ des attentats du 11 septembre 2001 ? Alors qu’il était correspondant en Chine pour le Wall Street Journal, le journaliste canadien Ian Johnson a assisté, éberlué, à l’effondrement des tours du World Trade Center. Très vite, une question l’a obsédé : comment des hommes formés et vivant en Occident avaient-ils pu en arriver là ? Dans une enquête passionnante et particulièrement fouillée – ce qui la rend parfois difficile à suivre –, Ian Johnson déroule le fil d’une histoire qui commence pendant la Seconde Guerre mondiale, lors de l’offensive nazie en URSS.

Anticommunisme

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Une mosquée à Munich retrace en effet le parcours méconnu de milliers de Soviétiques musulmans, venus d’Ouzbékistan, du Turkestan, du Daguestan, et embrigadés par le Reich pour devenir, sous la coupe d’une cellule dirigée par l’érudit nazi Gerhard von Mende, la clé de voûte de la propagande allemande visant à déstabiliser de l’intérieur son ennemi de l’Est. Si le succès de cette opération fut au final mitigé, l’expérience a inspiré les services secrets américains au lendemain de la reddition allemande, à l’aube de la guerre froide. Forgés par le nazisme, certains musulmans de l’Est sont devenus les instruments conscients et éclairés de la CIA pour lutter contre leur ennemi commun, le communisme. Entre autres anecdotes exhumées par l’auteur : l’agression visant des musulmans soviétiques à La Mecque, lors du pèlerinage de 1954. Deux affidés de la CIA vivant en Allemagne, Rusi Nasar et Hamid Rachid, accusèrent leurs coreligionnaires de faire de la propagande stalinienne et leur lancèrent des tomates pourries…

Le projet de construction d’une mosquée à Munich n’apparaît qu’en 1958, mais son contrôle est vite devenu l’objet d’une âpre bataille entre les Frères musulmans, représentés par Saïd Ramadan, et les anciens combattants chapeautés par Mende. La CIA semble avoir joué sur les deux tableaux, finançant les actions de propagande anticommuniste de Mende et s’intéressant aux Frères musulmans. Ramadan, tête de pont de l’organisation islamique et père de l’islamologue suisse Tariq Ramadan, est arrivé en 1957 à Cologne. Privé de sa nationalité par Nasser, il a fait de l’Europe sa base arrière pour mettre en place de nombreuses « filiales » au Moyen-Orient (Jordanie, Arabie saoudite, Palestine…). Le contrôle de la mosquée lui a permis d’étendre sa sphère d’influence. Plus intéressé par l’expansion des Frères musulmans en Europe que par la lutte contre les communistes, Ramadan s’est vite passé du soutien américain.

Manipulation

Si le journaliste tombe parfois dans la caricature – quand il qualifie par exemple les cités de la banlieue parisienne de « ghettos musulmans » –, son analyse met en lumière la manipulation des musulmans d’Europe qui a permis l’émergence d’une mouvance radicale responsable des attentats américains et européens de ces dix dernières années. Ainsi de Mohamed Atta, pilote du premier avion qui frappa les tours du World Trade Center le 11 septembre 2001 : l’homme a basculé dans l’extrémisme à la mosquée Al-Quds de Hambourg, dont les connexions mènent directement à la mosquée de Munich. 

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