Littérature : Jacques Dalodé, entre encre et pétrole

En retraite en France après avoir travaillé pendant dix-huit ans sur un site pétrolier, le Béninois Jacques Dalodé a pris la plume pour décrire avec humour le quotidien de ses compatriotes.

Jacques Dalodé signe un premier ouvrage, Très Bonnes Nouvelles du Bénin. © Vincent Fournier/J.A.

Jacques Dalodé signe un premier ouvrage, Très Bonnes Nouvelles du Bénin. © Vincent Fournier/J.A.

Publié le 28 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

« J’ai toujours eu envie d’écrire », confesse Jacques Dalodé. Cet ingénieur pétrolier qui a plus souvent côtoyé les chiffres que les mots consacre sa retraite à l’écriture. À 63 ans, il signe un premier ouvrage, Très Bonnes Nouvelles du Bénin. Un douanier paranoïaque, une mère meurtrière, un prêtre mis aux enchères… L’écrivain met en scène ses compatriotes embarqués dans de cocasses intrigues. « Je voulais que chaque Béninois s’y retrouve comme dans son propre village », explique-t-il. Au fil des pages, il met l’accent sur les maux qui affectent une société où se côtoient corruption et sorcellerie. « Certaines nouvelles sont satiriques et d’autres plus graves, mais pas dramatiques. J’ai voulu y mettre de l’humour car, au Bénin, on prend la vie du bon côté », lance-t-il. Si Jacques Dalodé a l’air grave au premier abord, il aime rire. Il dit s’être amusé à écrire « Mission cruciale », une nouvelle sur la sorcellerie qu’il qualifie de fantastique. « Moi, je n’y crois pas, mais au Bénin, les gens y croient », avoue cet homme cartésien.

Jacques Dalodé est avant tout un scientifique. Baccalauréat de mathématiques en poche, il obtient une bourse d’études et part pour la France en 1966. Sur le conseil de l’un de ses professeurs, à Cotonou, il s’inscrit en classe préparatoire scientifique au lycée Pierre-de-Fermat, à Toulouse. Il y rencontre sa femme, qui deviendra la mère de ses deux enfants. « Ne reviens pas avec une Française », l’avait pourtant prévenu son père. Anne-Dominique accepte de le suivre au Bénin, où il revient dès 1974 diplômé de l’École des mines et de l’Institut français du pétrole (IFP). Il s’attelle alors au Projet pétrolier de Sèmè – gisement fermé en 1998 après trente années d’exploitation – et en devient le directeur de production, directeur des opérations, puis codirecteur général. Un intermède de deux ans, de 1980 à 1982, le voit partir à Oslo pour superviser l’exécution d’un contrat passé avec une entreprise norvégienne pour l’exploitation pétrolière béninoise.

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Au Bénin, Dalodé doit faire preuve d’une intégrité sans faille. Il raconte s’être battu pour que l’argent du pétrole ne soit pas détourné. « On me convoquait après chaque vente. Je tenais bon », explique-t-il. Dans son livre, il n’hésite pas à évoquer sa propre histoire. « Ma haine de la corruption, je l’ai héritée de mon père », écrit-il dans « Une silhouette à vélo sur le chemin du baobab ». Si son personnage travaille dans le coton, il est impossible de douter de la dimension autobiographique de l’affaire.

Inspecteur du travail, son père était fier que son fils soit né un 1er mai. « Une double fête à la maison », se souvient-il. La mort du père, en 1973, fait de Jacques le tuteur de ses neuf frères et sœurs. Il épaule sa mère, ancienne institutrice qui a choisi de se consacrer à ses enfants. Aujourd’hui, il retourne régulièrement au Bénin pour les voir, notamment dans le village de ses parents, Ouagbo, à quelques kilomètres de Cotonou…

L’écrivain avale son thé à la menthe et, droit dans son long gilet boutonné, reprend son récit la voix posée. « C’est quelqu’un d’extrêmement calme et de réservé », assure son épouse. Le cumul de ses trois postes ne lui laissait pas de répit, le pétrole commençait à s’épuiser. En 1992, il quitte une deuxième fois sa patrie pour l’Hexagone, où il s’installe comme consultant indépendant. À Paris, il aime le Quartier latin, le jardin du Luxembourg, la rue Saint-Jacques. « Je me sens à la fois français et béninois », assure-t-il.

Dans ses nouvelles, pas un mot sur l’or noir, qu’il connaît si bien. « Le pétrole n’est pas très poétique », et il veut s’en « déconnecter ». Depuis qu’il est à la retraite, il met son expérience au service de bonnes causes. Plusieurs heures par semaine, il endosse le rôle du militant au sein de deux associations, la Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires, et Survie, l’une agissant contre les paradis fiscaux, l’autre contre la politique de la France en Afrique. « C’est une politique qui est complètement négative », insiste-t-il. « Regardez, ce porteur de mallettes… »

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Deux passions comblent ce qui lui reste de temps libre. La natation et la lecture. Épris de littérature française, il garde en permanence dans la poche de sa chemise un bout de papier et un stylo. « Il prend souvent des notes, explique Anne-Dominique. Parfois, à table ou quand il conduit, il me demande d’écrire une idée. » S’il ne donne pas le sujet de son prochain ouvrage, il lâche tout de même qu’il s’agit d’un roman. « L’action se passera au Bénin », bien entendu ! 

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