France : Hollande-Sarkozy, en route pour la présidentielle
D’un côté, l’hyperactif et très bling-bling président sortant. De l’autre, le vainqueur de la primaire « citoyenne », qui joue volontiers les notables de province. Nicolas Sarkozy et François Hollande, c’est un peu le jour et la nuit. Leur affrontement pour 2012 s’annonce farouche.
« Il va falloir s’y faire ! » s’est exclamé Daniel Cohn-Bendit, le célèbre militant écologiste, en constatant, le 16 octobre, que le second tour de la primaire socialiste confirmait la victoire – qu’il ne souhaitait pas – de François Hollande, l’ancien premier secrétaire du PS, sur Martine Aubry, l’actuelle titulaire du poste.
Par 56,6 % des voix, le député et président du conseil général de la Corrèze a obtenu de défendre les chances de son parti face à Nicolas Sarkozy lors de l’élection présidentielle de mai 2012. Ce score sans bavure a conclu un processus électoral novateur (2,86 millions de votants) qui a passionné les Français et exaspéré la droite, les divergences entre les six candidats du premier tour n’ayant pas dégénéré en batailles d’ego, comme elle l’espérait.
Martine Aubry, qui avait durci le ton dans les derniers jours de campagne contre un adversaire accusé d’utiliser « les mots de la droite », a sportivement reconnu sa défaite et s’est aussitôt rangée sous la bannière du vainqueur. Harlem Désir, premier secrétaire par intérim, l’a proclamé : il n’y aura pas l’épaisseur « d’une feuille de papier à cigarette » entre « Martine » et « François ». À confirmer, même si, le 22 octobre, ce dernier a été solennellement intronisé par la convention d’investiture réunie à Paris.
La revanche de "Flanby"
Ils vont devoir s’y faire, tous ceux qui s’étaient moqués de « Flanby », comme ils l’avaient surnommé – allusion à un dessert gélatineux – parce qu’ils le jugeaient bien peu consistant avec son goût pour la synthèse et les petits arrangements. « Si quelqu’un disait : “Je n’ai pas soif”, un deuxième : “Mon verre est plein” et un troisième : “Je veux du vin”, François tentait de mettre tout le monde d’accord : “Je propose qu’on n’ouvre pas la bouteille d’eau” », ironise Claude Bartolone, secrétaire national du PS.
Ils vont devoir s’y faire, les Laurent Fabius et les Bertrand Delanoë, qui le donnaient perdant parce qu’il ne dispose pas d’un courant structuré pour l’appuyer, qu’il est décidément trop social-démocrate pour séduire un parti toujours nostalgique du marxisme et qu’il n’a jamais été ministre.
Des baffes, il est vrai, Hollande en a pris plus souvent qu’à son tour : dans la Corrèze des années 1980, lors de l’échec de Lionel Jospin à la présidentielle de 2002, lors de la victoire du « non » au référendum européen de 2005 et du déchirement du PS qui s’ensuivit, lors de la candidature ratée de Ségolène Royal en 2007 et, bien sûr, lors de sa traversée du désert, depuis 2008.
C’était oublier qu’il avait conquis avec obstination la Corrèze, fief des Chirac. C’était passer sous silence le beau travail de rapiéçage qu’il entreprit, à plusieurs reprises, pour éviter l’explosion du Parti socialiste. C’était ignorer qu’il a changé, et pas seulement physiquement. Il est désormais capable de manier le « je » pour défendre son projet de recruter 60 000 enseignants supplémentaires, alors qu’on le soupçonnait de rechercher l’abri du « nous » pour n’avoir pas à trancher. Non seulement il est d’une ténacité à toute épreuve, mais il sait désormais qu’il veut ce pouvoir qui s’est toujours dérobé à lui.
Elle a commencé à s’y faire, Ségolène Royal, son ex-compagne, qui moquait méchamment son incapacité à décider et qui a dû se rallier à lui entre les deux tours, comme les trois autres outsiders.
Ils vont devoir s’y faire, les verts, qui avaient négocié avec Aubry, dont ils espéraient des circonscriptions législatives « gagnables » et une sortie assurée du nucléaire, tout comme les centristes de François Bayrou, dont les électeurs seront sans doute tentés de rallier dès le premier tour de la présidentielle ce candidat socialiste rassurant et raisonnable.
Reposant
Mais celui qui va devoir le plus s’y faire, c’est Nicolas Sarkozy. Il espérait avoir pour adversaire Martine Aubry, qu’il comptait clouer au pilori pour son côté « sectaire ». Le voilà face à un homme rond, qui capitalise sur sa « normalité » et son calme – bien reposants après cinq années de présidence parfois hystérique.
Jean-François Copé, le patron de l’UMP, a déjà entrepris de tirer à boulets rouges sur le candidat socialiste, présenté comme le chef de file de la gauche « molle » et indécise, dont le programme économique « hallucinant » coûterait pas moins de 250 milliards d’euros et ferait perdre à la France la note AAA, la meilleure, que lui accordent encore les agences de notation.
Les Français semblent tellement désireux de se débarrasser de Nicolas Sarkozy qu’ils n’entendent pas ces arguments. Selon un sondage réalisé par téléphone, le lendemain de la primaire, par l’institut CSA pour le compte de BFM TV, RMC et 20 Minutes, François Hollande écraserait Nicolas Sarkozy par 62 % des suffrages contre 38 % si le second tour de la présidentielle avait lieu aujourd’hui.
Le quotidien italien La Stampa permet de comprendre pourquoi la majorité fait fausse route en soulignant la banalité de Hollande par rapport au dynamisme de son champion. « Historiquement, écrit-il, la France a toujours changé parce qu’elle en avait assez de s’ennuyer. Cette fois, elle risque de changer parce qu’elle a envie de s’ennuyer. »
Tulle contre Neuilly
Elle semble préférer Tulle, chef-lieu assoupi où s’est enraciné le leader socialiste, à Neuilly-sur-Seine, fief bling-bling du président sortant. La perte du très provincial Sénat, passé il y a trois semaines à gauche pour la première fois de son existence, aurait dû alerter les conseils en communication du chef de l’État.
Reste que, pour Hollande, la partie est encore loin d’être gagnée. Il va lui falloir en premier lieu ressouder le PS pour éviter une guéguerre comparable à celle qui contribua à la défaite de Ségolène Royal en 2007. Mais il va devoir, surtout, préciser comment il entend tarir les déficits et réduire la dette – son fonds de commerce électoral – sans entraver la croissance.
Conscient de la nécessité d’acquérir une stature internationale, il s’est rendu à Madrid, le 19 octobre, pour rencontrer « Lula » Da Silva, l’ancien président socialiste brésilien, symbole de « la gauche qui réussit » – après pas mal d’échecs, il est vrai. Il en a profité pour assister au match de Champions League entre le Real Madrid et l’Olympique lyonnais. Le résultat n’a pas été à la hauteur de ses espérances, puisque les Lyonnais ont été écrasés par 4 à 0. Mais de là à y voir un augure funeste…
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