Israël – Iran : Téhéran bientôt sous les bombes ?

Pour tuer dans l’œuf tout accord entre les Iraniens et les Occidentaux, l’État israëlien pourrait déclencher des frappes contre la République islamique d’Iran… sans même en aviser Washington.

En attaquant l’Iran, Benjamin Netanyahou espère rompre son isolement international. © HO/AFP

En attaquant l’Iran, Benjamin Netanyahou espère rompre son isolement international. © HO/AFP

Publié le 4 novembre 2011 Lecture : 6 minutes.

Les allégations quasi hystériques du gouvernement américain selon lesquelles l’Iran aurait payé un trafiquant de drogue mexicain pour faire sauter l’ambassadeur saoudien dans un restaurant de Washington viennent déstabiliser un peu plus un Moyen-Orient déjà dangereusement ébranlé. Elles entraînent un peu plus l’interminable querelle américano-iranienne vers le conflit armé et attisent l’antagonisme latent entre l’Arabie saoudite et la République islamique d’Iran.

Par ailleurs, ces dernières semaines, d’intenses débats ont eu lieu dans les cercles de l’armée et des renseignements israéliens pour savoir s’il fallait ou non bombarder les installations nucléaires iraniennes. Apparemment, la principale interrogation était de savoir comment s’assurer de la participation des États-Unis ou, du moins, de son intervention armée aux côtés d’Israël au cas où les frappes déclencheraient un conflit plus vaste. Les échos de ces discussions ont causé un émoi considérable à Washington et dans certaines capitales européennes. Des experts militaires occidentaux auraient ainsi assuré que la fenêtre de tir pour une attaque aérienne israélienne se fermerait dans deux mois, l’arrivée de l’hiver rendant une telle opération beaucoup plus difficile.

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La crainte qu’Israël décide d’attaquer sans prévenir Washington aurait été le principal motif de la visite, le 3 octobre, à Tel-Aviv, du secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta. Une visite qui aurait vraisemblablement visé à brider les ardeurs guerrières des faucons israéliens. Amos Harel, du quotidien israélien Haaretz, résume ainsi le message délivré par Panetta : l’Amérique se tient aux côtés de l’État hébreu, mais une frappe israélienne non coordonnée pourrait déclencher une guerre régionale. Les États-Unis s’emploieront à défendre Israël, mais ce dernier doit agir de manière responsable.

Au cours d’une conférence de presse conjointe avec le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, Panetta a déclaré que l’Amérique est « très préoccupée, et [qu’ils vont] travailler ensemble et faire tout ce qui est nécessaire » pour empêcher l’Iran de « constituer une menace pour la région ». Mais cela dépend « de la collaboration de nos pays ». Le mot « ensemble » a été répété plusieurs fois. En d’autres termes, Israël ne devrait pas agir sans avoir obtenu le feu vert américain.

L’État hébreu a souvent menacé d’attaquer l’Iran ces dernières années. Si le sujet est de nouveau à l’ordre du jour, c’est qu’Israël craint que l’Iran n’ait bientôt la capacité de produire une bombe atomique, d’autant que des rumeurs font état d’un rapport imminent de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) dénonçant, preuves à l’appui, le caractère militaire du programme nucléaire de Téhéran. Pourtant, selon la plupart des experts du renseignement, l’Iran n’a pas encore pris la décision de fabriquer de telles armes. L’autre motif – plus probable – de l’inquiétude israélienne est de voir les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne – le P5+1 – accepter une offre iranienne de reprise des pourparlers. Israël craint en premier lieu que le P5+1 ne parvienne à un compromis qui permettrait à l’Iran de continuer à enrichir de l’uranium à des fins civiles. Un tel accord pourrait conduire le monde à accepter de coexister avec un Iran nucléaire. Si tel était le cas, Israël perdrait le monopole de la dissuasion nucléaire, un atout majeur pour le maintien de sa suprématie militaire régionale.

L’Iran a fait récemment de nombreux gestes en direction des États-Unis et de ses alliés. À New York, où il s’est rendu en septembre pour participer à l’Assemblée générale de l’ONU, le président Mahmoud Ahmadinejad a déclaré dans les colonnes du Washington Post que l’Iran arrêterait de produire de l’uranium enrichi à 20 % si des puissances étrangères lui fournissaient le combustible nécessaire pour son réacteur de recherche qui fabrique des isotopes médicaux. On estime à 850 000 le nombre d’Iraniens dépendants de ces isotopes pour traiter leurs cancers.

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Amano invité

À la fin du mois de septembre, le négociateur en chef de l’Iran pour le nucléaire, Saïd Jalili, a envoyé une lettre à Catherine Ashton, haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, demandant l’ouverture de nouveaux pourparlers avec le P5+1 pour tenter de résoudre ce vieux différend. Autre signe d’ouverture de Téhéran : dans une interview au Asia Times, le 28 septembre, le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, a déclaré que son pays était « prêt à faire les efforts nécessaires pour rétablir la confiance mutuelle », ajoutant que s’il y avait des inquiétudes spécifiques, elles seraient résolues par la négociation… « Nous devons chercher des propositions innovantes. »

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Fereydoun Abbassi Davani, chef de l’Organisation atomique d’Iran, a invité Yukiya Amano, secrétaire général de l’AIEA, à venir inspecter les installations nucléaires de la République islamique. « Nous encourageons vivement M. Amano à accepter cette invitation, a-t-il expliqué, car nous sommes à nouveau disposés à envisager un échange de combustibles [une grande quantité d’uranium faiblement enrichi contre une petite quantité d’uranium enrichi à 20 % à des fins médicales, NDLR]. » La prochaine réunion du conseil des gouverneurs de l’AIEA, les 17 et 18 novembre, à Vienne, est dans ces conditions très attendue.

Plusieurs voix influentes ont pressé les États-Unis de répondre favorablement aux signes d’ouverture iraniens. « Pourquoi ne pas tester le sérieux de l’Iran ? » s’interrogeait, le 30 septembre, Reza Marashi, dans un article du Huffington Post. Anciennement chargé du bureau Iran au département d’État, Marashi est aujourd’hui directeur de recherche au Conseil national américano-iranien. Dans l’International Herald Tribune du 29 septembre, Charles Ferguson, président de la Fédération des scientifiques américains, et Ali Vaez, directeur de l’Iran Project de la même fédération, ont encouragé Washington et ses alliés à prendre Ahmadinejad au mot. Ils ont même suggéré aux puissances occidentales de fournir à l’Iran 50 kg de combustible pour le réacteur de recherche de Téhéran, un geste humanitaire qui prouverait les bonnes intentions des États-Unis aux yeux du peuple iranien, tout en permettant de réduire les activités d’enrichissement de la République islamique.

Vraisemblablement, ces appels ne seront pas entendus. Le président Barack Obama s’est effondré sous la pression des puissants lobbies pro-Israéliens et devant un Congrès tout autant acquis à l’État hébreu. Soucieux d’assurer sa réélection l’an prochain, il ne devrait pas réitérer l’appel qu’il avait lancé durant sa campagne de 2008 en faveur d’une solution diplomatique avec l’Iran.

Calcul

Le danger est que le Premier ministre israélien cherche à briser l’actuel isolement politique de l’État hébreu en déclenchant une attaque spectaculaire contre l’Iran. Privé désormais du soutien de la Turquie et de l’Égypte, confronté à la révolte de la communauté internationale contre les ambitions du « Grand Israël », Benyamin Netanyahou pourrait estimer que le moment est venu de prendre l’initiative. Peut-être fait-il le calcul qu’un coup fatal porté à l’Iran affaiblirait une Syrie déjà déstabilisée et laisserait le Hezbollah orphelin. Israël ferait ainsi d’une pierre trois coups.

L’État juif va-t-il solliciter l’assentiment américain avant d’attaquer l’Iran ? Netanyahou serait-il convaincu qu’Obama, asservi aux intérêts israéliens, n’aurait d’autre choix que de le suivre ?

Selon l’édition du 6 octobre du TTU (Très très urgent), un bulletin des renseignements français, les États-Unis et Israël planifient un exercice militaire terrestre conjoint sans précédent en mai prochain, avec l’objectif de mettre sur pied une « force d’intervention » commune, prête à entrer en action en cas de conflit régional majeur. L’amiral James Stavridis, chef de l’Eurocom – le centre de commandement américain en Europe –, a récemment effectué une visite discrète dans l’État hébreu pour s’entretenir avec le général Benny Gantz, le chef d’état-major israélien. Selon le TTU, le plan vise à créer des postes de commandement américains en Israël et des postes de commandement israéliens dans l’Eurocom. La coopération entre les deux puissances a rarement été aussi étroite. Ce qui n’augure rien de bon pour le Moyen-Orient. 

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