Sida, itinéraire d’un tueur

Un médecin canadien a remonté la piste du virus jusqu’au cœur de l’Afrique centrale et montré comment, de hasards en négligences, le VIH s’est propagé aux États-Unis.

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 3 novembre 2011 Lecture : 2 minutes.

Tout commence aux alentours de 1921. D’après les datations moléculaires, c’est à cette date que le premier homme a été infecté par le virus du sida en Afrique centrale. Ce n’est que soixante ans plus tard que les autorités américaines commenceront à s’inquiéter d’une étrange maladie touchant les homosexuels.

Que s’est-il passé entre-temps ? C’est tout l’objet des recherches du Québécois Jacques Pépin. Dans son livre The Origins of AIDS (« Les origines du Sida »), dont l’International Herald Tribune s’est fait l’écho le 19 octobre, il s’emploie à retracer le chemin du virus. L’épidémie, explique-t-il, n’aurait jamais pu connaître une telle expansion sans l’aide – involontaire, mais tristement efficace – des médecins des puissances coloniales.

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L’ancêtre du VIH ne se retrouve que chez une minorité de chimpanzés vivant entre le Cameroun et la RD Congo. Il n’a donc pu initialement se transmettre qu’à un très petit nombre de chasseurs locaux qui étaient blessés au moment où ils sont entrés en contact avec un singe contaminé. Pour le scientifique, qui a fouillé les archives coloniales françaises, belges, britanniques et portugaises, ces premiers porteurs n’ont pu être que trois, tout au plus.

Avec un foyer initial aussi restreint, il est selon lui mathématiquement impossible que l’épidémie ait pu atteindre l’ampleur actuelle à cause des seules transmissions sexuelles. Au premier rang de ses « amplificateurs » probables : les campagnes de vaccination intensives menées avec du matériel réutilisé. Ayant travaillé au Zaïre au début des années 1980, le docteur Pépin estime, avec le recul, que lui-même a pu provoquer involontairement la contamination de certains patients.

Haïti

Restait à comprendre comment le virus avait franchi l’Atlantique. Et là encore, Jacques Pépin a une hypothèse. Dans les années 1960, l’ONU envoie déjà au Congo de nombreux bureaucrates et enseignants. Des milliers d’Haïtiens sont recrutés pour l’occasion. Il est probable, poursuit le scientifique, qu’un seul d’entre eux ait ramené le virus à Port-au-Prince, vers 1966, qui a alors bénéficié de deux facteurs favorables à son développement : l’existence d’un centre de don de plasma sanguin, qui exportait sa collecte vers les États-Unis, et le tourisme homosexuel américain. Les patients recevant fréquemment des transfusions sanguines et la communauté gay seront les premiers Américains touchés. 

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