RDC : Kabongo tel Molière
Décédé en Belgique le 11 octobre, le comédien à l’humour décalé Dieudonné Kabongo était l’une des personnalités artistiques les plus en vue de la diaspora congolaise. Il avait 61 ans.
Ce devait être une fête. Mais la fête s’est muée en drame. Ce 11 octobre, dans une salle de la commune de Jette, à 5 km du centre de Bruxelles, l’humoriste congolais Dieudonné Kabongo Bashila est invité à rendre hommage au réalisateur belge Mirko Popovitch. La présentation des artistes vient à peine de se terminer quand, soudain, Kabongo s’écroule sur la scène. Dans un premier temps, tout le monde croit à une facétie. Mais comme l’humoriste ne se relève pas, Popovitch se penche sur lui et constate qu’il est mal en point. Il tente un bouche-à-bouche, puis un massage cardiaque. Kabongo veut s’accrocher à la vie. Trop tard : son cœur a flanché.
« Même dans la mort, il est resté digne et beau, se souvient Popovitch. Il est sorti par la grande porte. Quand les pompiers l’ont évacué sur une civière, le visage recouvert d’un drap blanc, le public qui attendait dehors a longuement applaudi. C’était la première fois que je voyais cela. Kabongo n’est pas mort seul. Il nous a laissé un éclair d’humanité. »
Kasaïen né au Katanga en 1950, l’humoriste, acteur et chanteur Dieudonné Kabongo Bashila était surtout conteur. Enfant, il avait vécu dans un univers où les anciens racontaient aux jeunes, à la nuit tombée, des histoires remontant aux temps sans âge où les animaux parlaient encore aux hommes. Il était aussi un saltimbanque-né, de la race de ceux qui n’ont pas besoin de sortir d’une école pour vous faire rire aux larmes avec un jeu de mots ou une grimace.
Voir ici la vidéo réalisée en août 2010, dans le cadre de la série d’été de jeuneafrique.com : Humour en série : indépendances cha-cha ou bla-bla.
Humour en série #3 : Dieudonné Kabongo par Jeuneafriquetv
Vérité
Kabongo est arrivé en Belgique à la fin des années 1960, après avoir terminé ses études secondaires à Kinshasa. Si le théâtre est sa passion, il veut entreprendre des études d’ingénieur. Las ! L’artiste en lui ne cesse de se manifester. « À la fin des années 1970 et dans les années 1980, Kabongo chantait dans des cafés, racontait des blagues simples. Il avait cet humour décalé qui lui permettait de tourner en dérision les rapports Noirs-Blancs, colonisateurs-colonisés, ex-colonisés et néocolonisateurs », relève Mirko Popovitch. En d’autres termes : « Dire la vérité avec le sourire. » Et il ne pouvait pas en être autrement pour celui qui, en venant au monde en 1950, n’était qu’« un indigène du Congo belge ».
En 1984, Kabongo obtient le prix du Festival du rire de Rochefort avec le spectacle Méfiez-vous des tsé-tsé, monté avec Popovitch. Il joue dans plusieurs pièces de théâtre, notamment Atterrissage, de Kangni Alem, et L’Invisible, de Philippe Blasband. Sur le grand écran, on l’a vu dans une dizaine de films, dont : La Sensation, de Manuel Poutte (prix spécial du jury au Festival de Cannes en 1992) ; Le Damier, de Balufu Bakupa Kanyinda, en 1996 ; Pièces d’identité, de Dieudonné Ngangura Mweze, en 1998 ; Lumumba, de Raoul Peck, en 2000 ; Juju Factory, de Balufu Bakupa Kanyinda, en 2005…
Par son art, Dieudonné Kabongo Bashila a contribué à faire reculer la mer de préjugés laissée par un lourd passé colonial. Militant, il s’impliquait au sein de l’association Ba Ya Ya (« les aînés », en lingala), qui mène des actions dans les quartiers belges en faveur des jeunes d’origine congolaise. Grâce à son humour, il parvenait à transformer l’agressivité des jeunes en respect. Mais il n’avait jamais imaginé que, à l’instar de Molière, il mourrait sur les planches. Farce sublime !
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