Transport maritime : bousculade sur les docks africains
Malgré les crises, politiques et économiques, l’intérêt pour les ouvertures maritimes du continent ne faiblit pas. Les grands groupes se livrent une bataille sans merci pour en prendre le contrôle.
Transports maritime : en Afrique, la concurrence ne faiblit pas
Bolloré Africa Logistics aura finalement gagné la bataille contre Getma. Depuis le 29 mars, la concession du port guinéen de Conakry est sienne. Sa treizième, après Freetown en décembre 2010, où il devrait investir 92 millions d’euros. Déjà en 2009, c’est au terme d’une âpre bataille qu’il avait ravi une partie de la gestion du port de Lomé à l’espagnol Progosa.
Ces affaires sont au moins révélatrices d’une chose : l’attractivité des ports africains n’a pas faibli malgré la crise mondiale. Et la croissance économique de 5,8 % prévue par le Fonds monétaire international (FMI) pour l’Afrique subsaharienne en 2012 (5,2 % en 2011) laisse entrevoir un avenir tout aussi radieux. « Les privatisations, accompagnées de nombreux investissements, accentuent le fort développement des ports », analyse Hendrik Lohse, directeur de l’Institut portuaire d’enseignement et de recherche du Havre (Iper). « Tout est à faire, et on se bouscule pour prendre les meilleures positions », poursuit-il. Les grands opérateurs prévoient ainsi d’investir entre 1,3 milliard et 2 milliards d’euros pour moderniser les ports de la façade ouest-africaine.
En Guinée, Bolloré compte allonger 500 millions d’euros sur les vingt-cinq ans que dure la concession, dont 150 millions les trois premières années. Augmentation de la longueur du quai du terminal de 300 à 900 m, profondeur portée à 13,5 m, contre 10 aujourd’hui, connexion au chemin de fer… Le projet est ambitieux et a su séduire le président Alpha Condé, qui remercie par la même occasion le soutien indéfectible du gouvernement français à son élection.
Eldorado
À Pointe-Noire, au Congo, Bolloré a commencé son programme d’investissement, qui devrait atteindre un total de 570 millions d’euros d’ici à 2036 et transformer la presqu’île en premier port d’Afrique centrale, avec 647 000 conteneurs de capacité annuelle de traitement dès 2015. De son côté, APM Terminals (filiale du danois Maersk) entend investir 75 millions d’euros à Monrovia dans les trois ans. À Djibouti, Dubai Ports World (également présent en Algérie, au Sénégal et au Mozambique) a annoncé le 10 octobre l’extension du port d’ici à 2014, pour 240 millions d’euros.
La Chine, géant des mers
Alors que le trafic mondial de marchandises par voie maritime a chuté en 2009 à 7,94 milliards de tonnes (– 4,5 %), il n’y a pas eu un grand chamboulement dans le dernier classement des opérateurs de conteneurs (« Review of Maritime Transport 2010 », Cnuced). L’allemand Hapag-Lloyd chute à la septième place, remplacé en cinquième position par le singapourien APL. Et si le chinois CSCL (8e) reste en rade du top 5, l’empire du Milieu se distingue autrement dans le commerce maritime mondial : troisième propriétaire de navires de la planète, deuxième constructeur et plus grand recycleur. Où s’arrêtera-t-il ? M.P.
Selon une étude commandée par le cabinet londonien Holman Fenwick Willan, l’Afrique, avec l’Amérique latine, est bel et bien le nouvel eldorado maritime. Si la Chine a connu la croissance en volume la plus spectaculaire de ces dernières années, les nombreux projets de ports chinois sont désormais interdits aux investisseurs étrangers. Cette situation, couplée au fait que les échanges entre l’Afrique et l’Asie ont dépassé depuis 2005 ceux réalisés avec l’Europe, a poussé les grands opérateurs mondiaux vers le continent.
Cap à l’est
Mais contrairement à l’Afrique de l’Ouest, tirée historiquement par son trafic avec l’Europe, « le constat sur la façade est-africaine est sa pauvreté en infrastructures portuaires », relève l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar). Selon le cabinet de conseil allemand Dynamar, le Kenya (700 000 équivalents 20 pieds) et la Tanzanie (400 000) sont probablement les candidats les mieux armés pour recevoir les investissements dont la région a fortement besoin pour soutenir sa croissance.
Le président kényan, Mwai Kibaki, a d’ailleurs appelé de ses vœux, début octobre, la construction d’un port moderne à Lamu et, dans la foulée, d’un corridor (routier et numérique) rejoignant le Soudan du Sud, le Soudan et l’Éthiopie. Au Mozambique voisin, le développement des mines, notamment de charbon, a déjà accéléré la privatisation du port de Maputo, confiée à Dubai Ports World en consortium avec le sud-africain Grindrod et l’État.
« Nous sommes intéressés par tous les ports africains », aime à rappeler le français Bolloré. Et certainement ne laissera-t-il pas les opportunités est-africaines lui passer sous le nez. Il est d’ailleurs déjà présent sur des ports secs en Tanzanie et au Kenya. Il a même annoncé en 2009 vouloir investir pas moins de 500 millions d’euros en Somalie, dans le port de Berbera… mais c’est finalement du nouveau grand partenaire chinois que viendra peut-être le chèque : mi-septembre, PetroTrans a déclaré réfléchir à investir dans le port afin de faciliter ses exportations de gaz naturel éthiopien.
Alors que la Somalie reste en proie à une guerre civile, mettant à genoux les fragiles institutions du pays, est-il opportun d’y investir ? « Pour attirer les investissements, la stabilité politique et sociale est nécessaire », estime Hendrik Lohse. Pour lui, « c’est le problème majeur que l’Afrique doit vaincre pour développer encore ses infrastructures aéroportuaires ». La crise ivoirienne a de fait entamé les résultats du concessionnaire Bolloré – encore lui –, probablement compensés cependant par les résultats des autres sites. Sa détermination, comme celle des autres opérateurs, est en tout cas intacte.
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