Capital-investissement : les nouveaux atouts du continent

En 2010, les investisseurs en capital ont levé 1,5 milliard de dollars en Afrique. Cette année, le marché doit retrouver son niveau d’avant la crise. Certes, des points faibles subsistent, mais cette forme de financement des entreprises est en plein essor.

En 2010, l’Afrique a représenté 6,4% du total des fonds levés pour les pays émergents. © Alamy pour J.A.

En 2010, l’Afrique a représenté 6,4% du total des fonds levés pour les pays émergents. © Alamy pour J.A.

Publié le 31 octobre 2011 Lecture : 5 minutes.

L’Afrique, « dernière frontière » du capital-investissement mondial. Pour s’attaquer au très riche potentiel africain, le gratin des gestionnaires de fonds spécialisés dans les marchés émergents s’est donné rendez-vous à Londres, le 19 octobre, à l’occasion d’un colloque organisé par le Financial Times et l’Emerging Markets Private Equity Association (EMPEA). En avant-première, Jeune Afrique a pris connaissance des dernières tendances d’un marché très convoité dans ce monde en crise.

« L’appétit des investisseurs pour le continent est de plus en plus grand », atteste Marie-Hélène Loison, directrice générale déléguée de Proparco, la filiale de l’Agence française de développement (AFD) pour le secteur privé. De 3 % du total des fonds levés pour les pays émergents en 2008, la part de l’Afrique a atteint 4 % en 2009 et 6,4 % en 2010. « Un record absolu, et cette croissance devrait se poursuivre », promet Jennifer Choi, vice-présidente chargée des affaires sectorielles et publiques de l’EMPEA.

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Bien sûr, le continent part de loin et sa taille demeure modeste à l’échelle planétaire. Entre 2006 et 2010, 9 milliards de dollars (6,8 milliards d’euros) ont été levés au sud du Sahara (17 milliards de dollars pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient). Mais la tendance s’affirme. « Après la crise financière, le dynamisme des fonds levés en Afrique subsaharienne est plus fort que dans la plupart des pays émergents, y compris la Chine, l’Inde ou la Russie », insiste l’EMPEA. Car après un fort ralentissement en 2009 sous l’impact de la crise financière mondiale, le marché du capital-investissement s’est très rapidement redressé sur le continent.

Carlyle s’y met

L’an passé, les gestionnaires de fonds ont levé 1,5 milliard de dollars en Afrique, contre 900 millions un an plus tôt. Sept clôtures de fonds ont eu lieu rien qu’au cours des sept premiers mois de 2010, comme celui de l’américano-saoudien Kingdom Zephyr Africa Management (492 millions levés en février 2010) ou d’Emerging Capital Partners (613 millions en juillet 2010). En 2011, le marché pourrait retrouver son niveau d’avant la crise. En février, l’investisseur panafricain Helios a levé 1 milliard de dollars pour reprendre, avec le négociant Vitol, les activités aval de Shell. En octobre, Actis a mis 450 millions sur la table pour s’offrir Tracker, une société sud-africaine spécialisée dans la géolocalisation. Et les sud-africains Ethos et Brait annoncent vouloir « lever des fonds considérables » sous douze à dix-huit mois.

Signe d’un intérêt renouvelé pour l’Afrique, l’américain Carlyle a annoncé son intention d’ouvrir un fonds destiné à l’Afrique, avec un engagement d’au moins 500 millions de dollars. Sans perdre de temps, il pourrait s’emparer de Savico, le spécialiste sud-africain des systèmes hydrauliques et électriques. À l’image de Carlyle, les investisseurs internationaux retrouvent des vertus au continent, qui affiche un taux de croissance attendu de 5,5 % en 2011 et de 5,9 % en 2012. Et ses entreprises sont identifiées comme des cibles sources de nouveaux profits. « L’Afrique est sur le point de décoller. Tout le monde reconnaît qu’il commence à y avoir des entreprises qui réalisent des profits intéressants. Les coûts d’entrée sont attractifs », résume David Creighton, patron du fonds canadien Cordiant Capital.

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Dans ce contexte, les gestionnaires cherchent à diversifier l’origine géographique de leurs actifs en portefeuille. Certes, l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria ont concentré 27 des 48 opérations réalisées en 2010. Mais si, en 2008, 56 % d’entre elles ont eu lieu à Johannesburg, elles n’étaient plus que 21 % en 2010. Au cours des dix-huit derniers mois, les investisseurs en capital ont aussi soutenu des sociétés au Bénin, au Congo, au Ghana, au Liberia, à Madagascar ou en Tanzanie. « Il y a un vrai changement de culture, avec une orientation vers des stratégies multipays », relève Ralph Keitel, du département private equity de la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale).

Autre tendance qui prend de l’ampleur : l’extension à d’autres secteurs que les banques et les mines. En 2010, selon Proparco, plus de la moitié des opérations des investisseurs en capital ont été réalisées dans les produits alimentaires et les boissons (Foodcorp en Afrique du Sud), la santé (clinique Snapper Hill au Liberia), les médias et les télécoms (Wananchi Group au Kenya). En parallèle, des fonds se spécialisent dans des niches : agroalimentaire (Phatisa, Chayton Capital, Silk Invest), technologies propres et énergies renouvelables (Evolution One Fund), santé (Aureos Capital)…

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Coup de fouet

En outre, d’autres acteurs, à même de donner un coup de fouet au marché dans le financement des entreprises africaines, émergent : les fonds de pension africains. Depuis la mi-2010, celui des employés de l’État sud-africain (GEPF) gère 97 millions de dollars d’actifs. Celui de Namibie (GIPF) 5,6 millions, et celui du Ghana (SSNIT) 1,5 million. Quant à la National Pension Commission nigériane, elle a annoncé en septembre 2010 qu’elle allait investir 5 % de ses 11 millions en gestion dans un portefeuille de capital-investissement dans le pays.

Au total, près d’une centaine de fonds sont désormais actifs sur le continent. Ce qui favorisera l’émergence de compétences locales à même d’identifier les entreprises, surtout des PME, et de faire taire ainsi l’une des critiques des investisseurs internationaux. Autre conséquence : 70 % des montants levés en 2011 sont le fait du secteur privé. Une première. Depuis les années 2000, lorsqu’un fonds se lève, au moins 50 % des financements viennent des investisseurs institutionnels internationaux (SFI, BAD, AFD, etc.). Dans la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), la part du privé dans les fonds levés est passée de 46 % à 64 %.

Des tickets d’entrée peu élevés, de nombreuses opportunités à saisir et des rendements inégalés : le marché africain est très tentant. Emerging Capital Partners est entré dans le groupe Somdiaa en 2003 pour en sortir en 2007 en doublant sa mise. Une étude réalisée en 2011 par le cabinet RisCura et l’Association sud-africaine de capital-risque (Savca) a établi que les taux de rentabilité nets des capitaux investis sont de plus de 20 % en Afrique subsaharienne sur dix ans, contre 13 % au Royaume-Uni et 8 % aux États-Unis. Entre 2000 et 2010, le taux de rendement du portefeuille de la SFI a été de 21,7 %.

Le plus difficile reste de trouver une porte de sortie. « Il y a peu d’introductions en Bourse en Afrique, la voie privilégiée reste la revente à un acteur du secteur ou à l’actionnaire majoritaire », relève Marie-Hélène Loison, de Proparco. Tout n’est pas parfait. 

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