Italie : les patrons veulent le scalp de Berlusconi

Après l’avoir longtemps soutenu, les industriels veulent désormais la tête du Président du Conseil italien, Silvio Berlusconi. Ils ne supportent plus la dégradation de l’image de leur pays – et de leurs entreprises – à l’étranger.

Emma Marcegaglia, la patronne des patrons italiens, a lancé un ultimatum à Berlusconi. © AFP

Emma Marcegaglia, la patronne des patrons italiens, a lancé un ultimatum à Berlusconi. © AFP

Publié le 25 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

Il y a tout juste dix ans, les industriels italiens avaient succombé presque en bloc aux mirifiques promesses de Silvio Berlusconi. Aujourd’hui, ils ne veulent plus entendre parler de lui. Choqués par ses blagues de potache, ses frasques sexuelles à répétition et l’inertie de son gouvernement face à une crise d’une gravité sans précédent, ils réclament ouvertement sa tête.

La publication en cascade d’écoutes téléphoniques indécentes et la dégradation de la note de l’Italie par toutes les agences de notation ont constitué une sorte de casus belli. D’autant que le bruit court depuis peu que Berlusconi ne serait plus le bienvenu dans les sommets internationaux… Il est probable que la révolte des patrons a une dimension personnelle, sinon égoïste : ils veulent se démarquer pour éviter que l’image de leurs entreprises ne souffre d’une trop grande proximité avec le Cavaliere. Mais c’est somme toute secondaire. « Ce qui compte, c’est que sans le soutien de la classe industrielle, Berlusconi est perdu », estime le sénateur démocrate Silvio Sircana.

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Perdu. C’est le message que les industriels veulent faire passer. À preuve, le coup de gueule poussé par Emma Marcegaglia lors de l’assemblée de Confindustria, l’équivalent du Medef français, le 30 septembre. « Pour sortir de la crise, le pays a besoin de réformes et d’une politique économique différente. Si nous ne sommes pas entendus, nous mettrons fin au dialogue », a tonné la patronne des patrons. Au cours de cette réunion, les chefs d’entreprise ont présenté une sorte de programme censé favoriser la relance économique : réforme de la fiscalité, report de l’âge du départ à la retraite, réduction du coût du travail, notamment pour les jeunes, etc. Ce qui revient carrément à se substituer au gouvernement. Et à déterrer la hache de guerre.

Avec l’Église, une rupture qui ne dit pas son nom

Le torchon brûle aussi entre Berlusconi et l’Église catholique. Le 27 septembre, le cardinal Angelo Bagnasco, président de la conférence épiscopale italienne, a fermement condamné « des styles de vie difficilement compatibles avec la dignité humaine, le respect des institutions et de la vie publique ». Et s’est déclaré mortifié de « devoir prendre acte de comportements intrinsèquement dérisoires et affligeants ». Poussée par une partie des fidèles traumatisés par les révélations sur la vie privée débridée du président du Conseil, l’Église a donc fini par prendre position contre lui, mais sans jamais prononcer son nom. Cette prudence s’explique par le souci d’éviter une rupture totale qui pourrait avoir de fâcheuses incidences sur le financement public des écoles confessionnelles, l’exemption fiscale dont bénéficie l’Église, mais aussi sur le soutien que lui apporte le gouvernement sur les questions de bioéthique. A.B.

"Intolérable"

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Ces critiques ne se limitent d’ailleurs pas au chef de l’exécutif, mais englobent la classe politique dans son ensemble. En témoigne la lettre ouverte de Diego Della Valle, patron de Tod’s (chausseur et maroquinier de luxe) et supporteur repenti de Berlusconi, publiée sur une pleine page, le 1er octobre, par quatre grands quotidiens, dont Corriere della Sera. Après avoir financé, en 1994, Forza Italia, le parti fondé un an auparavant par le Cavaliere, l’entrepreneur dénonce à présent « le spectacle indécent, irresponsable et intolérable » offert par les responsables politiques, qui, selon lui, nuit à l’image et à la bonne réputation de l’Italie dans le monde.

C’est aussi l’argument développé par Santo Versace, frère de Gianni, le grand couturier assassiné en 1997. Après avoir rejoint Berlusconi en 2008 pour se faire élire au Parlement, il en a démissionné le 29 septembre dernier. La date n’avait pas été choisie au hasard : ce jour-là, le Cavaliere fêtait en effet son soixante-quatorzième anniversaire. « Tout fout le camp, la gangrène ronge le monde politique ; à l’étranger, on nous ridiculise », s’emporte Santo Versace. Le remède qu’il propose ? Renvoyer mauvais élèves et corrompus ne suffit pas. Il faut remettre à plat le modèle politique et sociétal italien, puis adopter dans la foulée une loi contre la corruption. Celle-ci coûte en effet chaque année à l’État quelque 60 milliards d’euros.

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"Dans l’arène"

Si certains grands patrons comme John Elkann, le président de Fiat, refusent, au moins pour l’instant, de participer à la curée, d’autres voix s’élèvent au sein de l’establishment, comme celle de Luca Cordero Di Montezemolo, qui, en 2007, avait tiré les premières salves contre Berlusconi en appelant à la conclusion d’un grand pacte entre toutes les forces sociales afin de faire repartir une économie en panne. Aujourd’hui, cet ancien patron de Confindustria – et actuel président de Ferrari – se déclare prêt à descendre dans l’arène politique. Pour déboulonner l’indéboulonnable. 

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