RDC – Congo : regain de méfiance entre les deux pays
Après l’attaque de la petite ville de Lukolela, le 7 octobre, les relations entre les deux Congos sont loin d’être au beau fixe. Cette fois encore, la RDC accuse son voisin d’héberger des personnes hostiles à son régime.
Lukolela, petite bourgade installée sur les bords du fleuve Congo, dans la province de l’Équateur, en RDC, et Loukolela, son vis-à-vis au Congo-Brazzaville, n’avaient jamais attiré l’attention des médias. Le 7 octobre, tout a changé. Ce jour-là, à Kinshasa, Adolphe Lumanu Mulenda Bwana N’Sefu, vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire, publie un communiqué. Il est question d’une attaque armée menée contre Lukolela par « une bande d’éléments en provenance de Loukolela français [sic] en République du Congo-Brazzaville ». Cinq « assaillants » sont arrêtés, pendant que les autres se replient sur Loukolela.
D’après Lumanu, les captifs détiennent « un ordre de mission signé par Faustin Munene », ce général, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, poursuivi par la justice, arrêté à Brazzaville en février et dont Kinshasa réclame en vain l’extradition. Piqué au vif, le Congo-Brazzaville réagit. Son ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Raymond Zéphirin Mboulou, parle d’un « montage » dont l’objectif serait de servir de prétexte à un report de la présidentielle du 28 novembre, à laquelle Joseph Kabila est candidat.
Le 11 octobre, une délégation conduite par Lumanu Mulenda Bwana N’Sefu se rend à Brazzaville avec, en main, les preuves supposées des accusations de Kinshasa. Prudent, il précise que « dire qu’une action a été menée en RD Congo par des gens venus du pays voisin ne signifie pas que ce pays ait commandité cette action ». Quant à Raymond Zéphirin Mboulou, il s’explique sur sa sortie médiatique remarquée : « Chaque fois qu’il se passe quelque chose en RD Congo, nous sommes toujours incriminés. Nous déplorons cette attitude. Il est vrai que des ressortissants du Congo-Kinshasa vivent sur notre territoire. S’il y a des problèmes liés à leur présence, nos deux pays doivent trouver des solutions. »
Détachement Buffalo
Dans un document interne de l’Agence nationale de renseignements (ANR) dont Jeune Afrique a obtenu copie, les noms des cinq individus arrêtés à Lukolela, leurs coordonnées ainsi que celles de leurs contacts à Brazzaville sont mentionnés. Le document précise qu’ils ont appartenu au détachement Buffalo, qui avait, en 1998-1999, combattu dans la région du Pool aux côtés des miliciens de Denis Sassou Nguesso, avant de se retrouver en situation irrégulière à Brazzaville. Ils font partie des ressortissants de la RD Congo arrêtés depuis août pour séjour illégal. Ils ont été ensuite recrutés par leur ancien chef, le colonel Faustin Bosenge Lokasola, ex-membre des Forces armées zaïroises, également en exil, qui agirait pour le compte du général Faustin Munene.
Selon Brazzaville, Kinshasa cherche un prétexte pour reporter son scrutin présidentiel
Le document ajoute que « de l’argent ainsi que des pièces d’identité de la République du Congo leur ont été remis sur instruction du général Essongo, commandant de l’armée de terre […], pour faciliter leur déplacement de Brazzaville vers la localité de Bouemba […], où ils furent accueillis par un officier de la Direction générale de la surveillance du territoire qui a assuré leur encadrement et leur embarquement vers Lukolela via Makotipoko ».
À Brazzaville, le ministre Raymond Zéphirin Mboulou estime que la rencontre avec Lumanu a permis de dissiper les malentendus. « Nous avons une expérience en matière de démobilisation de forces hostiles dont nos frères de Kinshasa peuvent s’inspirer, affirme-t-il. Ils peuvent amnistier ces ex-combattants et les recruter au sein de l’armée, de la police, ou leur assurer une réinsertion sociale. »
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