Israël – Palestine : Gilad Shalit ou les petits arrangements entre ennemis

Contre toute attente, Israël et le Hamas ont conclu un compromis historique. En échange du soldat Gilad Shalit, 1 027 détenus palestiniens doivent recouvrer la liberté. Pour le mouvement islamiste, c’est une victoire politique indéniable.

Gilad Shalit, après sa libération, à Kerem Shalom le 18 octobre. © Reuters

Gilad Shalit, après sa libération, à Kerem Shalom le 18 octobre. © Reuters

perez

Publié le 19 octobre 2011 Lecture : 4 minutes.

« L’accord Shalit » : c’est ainsi qu’a été baptisé l’échange de prisonniers conclu entre Israël et le Hamas, les deux pires ennemis du Proche-Orient. Annoncé le 11 octobre dans la soirée, et conrétisé le 18 octobre, il survient au moment où plus personne ne l’espérait. Dans un contexte régional aussi trouble qu’incertain, les différents protagonistes ont su saisir des opportunités, comme l’affaiblissement du pouvoir syrien, sanctuaire branlant du bureau politique du Hamas, ou la bonne volonté des autorités égyptiennes, soucieuses de préserver l’influence diplomatique de leur pays. Au Caire, les négociations ont également abouti grâce à une conjonction de médiations étrangères. Celle de l’Allemagne en premier lieu, puis des États-Unis et, dans une moindre mesure, de la France. Au total, 1 027 prisonniers palestiniens seront libérés en quatre phases distinctes. Lorsque la première d’entre elles sera achevée, Gilad Shalit sera rendu à Israël.

Ces dernières années, les initiatives en faveur de la libération du jeune caporal franco-israélien s’étaient multipliées. Sa capture, en juin 2006, avait entraîné le blocus de la bande de Gaza et une guerre larvée entre armée israélienne et factions palestiniennes. Les violences avaient atteint leur paroxysme lors de l’opération Plomb durci, menée entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009 contre l’enclave côtière et qui fit 1 400 morts palestiniens. Paradoxalement, les tractations n’ont jamais cessé entre les deux parties. Tenues secrètes, elles ont constamment donné lieu à d’improbables rumeurs.

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La transaction conclue entre Israël et le Hamas met d’abord fin au calvaire de Gilad Shalit, aujourd’hui âgé de 25 ans. Durant ses cinq années de captivité à Gaza, le mouvement islamiste n’a transmis à l’État hébreu que trois preuves de vie du militaire. Et malgré les pressions répétées de la communauté internationale, le détenu n’a bénéficié d’aucune visite de la Croix-Rouge. Pour l’armée israélienne, cette affaire laisse un goût amer. Tsahal aura échoué à le localiser et à mener une quelconque opération de sauvetage, au grand dam de l’état-major et des services de renseignements. Selon les termes de l’accord, le dénouement est bien survenu le 18 octobre, et un avion spécial a rapatrié Gilad Shalit du Caire, où il a été transféré.

Chantage

« Notre joie est indescriptible, reconnaissait Aviva, sa mère, quelques jours avant la libération de son fils. Mais jusqu’à ce que nous voyions enfin Gilad en chair et en os, nous contenons notre émotion. » Sa prudence, de mise après d’innombrables espoirs déçus, contrastait avec la liesse qui s’est emparée du campement de la famille Shalit, à Jérusalem. Dressée devant la résidence du Premier ministre depuis le 8 juillet 2010, cette tente avait permis ces derniers mois d’accentuer la pression sur le gouvernement israélien afin qu’il accepte un échange de prisonniers avec le Hamas. Le combat acharné des Shalit pour leur fils avait trouvé un large écho au sein de l’opinion et des médias, touchés par ce drame familial.

Cette libération offre aussi un bol d’oxygène à Benyamin Netanyahou. Confrontée à une contestation sociale grandissante et à l’impasse du processus de paix avec les Palestiniens, sa coalition bat des records d’impopularité. Acculé, le leader israélien a toutefois su convaincre ses ministres de soutenir la transaction. À l’issue d’une réunion de cinq heures, vingt-six d’entre eux se sont rangés aux côtés du Premier ministre, tandis que trois autres ont rejeté sa proposition, à l’instar du nationaliste Avigdor Lieberman, le tonitruant chef de la diplomatie israélienne. « Je pense que nous avons conclu le meilleur compromis possible », a déclaré Netanyahou aux membres de son cabinet, coupant court aux critiques de son aile droite, qui l’accuse de créer un « dangereux précédent » en cédant ainsi au chantage d’une organisation jugée terroriste.

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Gage de survie

L’accord ne prévoit cependant pas la libération des grandes figures palestiniennes de la seconde Intifada. Marwan Barghouti, l’ancien chef du Fatah en Cisjordanie, qui purge une peine de prison à perpétuité, ne figure pas sur la liste des 1 027 prisonniers qu’Israël a consenti à relâcher. Il en va de même pour Ahmed Saadat, le secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), accusé d’avoir commandité l’assassinat en 2001 du ministre israélien Rehavam Zeevi. D’autres activistes de haut rang ont été délibérément écartés, comme Ibrahim Hamed et Abdallah Barghouti, deux responsables militaires du Hamas, dont les attentats avaient causé la mort de près de cent cinquante civils israéliens. Longtemps, la remise en liberté de ces hommes avait constitué l’ultime point d’achoppement des négociations entre Israël et le Hamas. Les islamistes s’en étaient trouvés profondément divisés. « 90 % de l’accord Shalit avait été entériné il y a trois ans », concède aujourd’hui Yoram Cohen, nommé en mai dernier à la tête du Shabak (ex-Shin Bet), les services israéliens de contre-espionnage. 

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Très impopulaire, Netanyahou s’offre là un vrai bol d’oxygène

Pourtant, même en donnant l’impression de lâcher du lest, le Hamas apparaît comme le grand vainqueur de son bras de fer avec l’État hébreu. D’abord, parce qu’il est parvenu à négocier la libération d’un soldat israélien contre celle d’un millier de détenus palestiniens. Ensuite, parce que sa décision de relâcher Shalit, qui lui servait jusque-là de gage de survie politique, lui permet de renforcer sa position vis-à-vis du président Mahmoud Abbas. Depuis que le raïs a engagé son processus ­d’adhésion d’un État palestinien à l’ONU, le Hamas semblait isolé. Or voilà qu’il vole la vedette au gouvernement de Ramallah, adepte de la résistance pacifique. « C’est une victoire nationale. Le peuple palestinien qui réussit à atteindre cet objectif est capable d’obtenir d’autres victoires, comme le droit au retour et la réconciliation », s’enflamme Khaled Mechaal, le chef en exil du Hamas. 

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