1 Israélien = 1027 Palestiniens
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 17 octobre 2011 Lecture : 2 minutes.
Imaginons qu’en échange du retour à la maison d’un soldat français détenu au Sahel, en Afghanistan ou ailleurs par un groupe d’islamistes radicaux, Nicolas Sarkozy accepte de libérer 1 027 présumés terroristes des geôles hexagonales. On n’ose songer au déchaînement médiatique que pareille disproportion nemanquerait pas de susciter, aux manchettes des journaux anglo-saxons sur le thème de la couardise française, à l’ampleur du scandale aussitôt dénoncé dans un communiqué conjoint par MM. Obama, Cameron et Medvedev. Bref, à l’impensable…Et pourtant, ce ratio aberrant est en passe d’être atteint en Israël, terre de miracles s’il en est, avec la libération imminente du sergent Gilad Shalit, sous les applaudissements unanimes des Occidentaux et à la grande satisfaction de ses geôliers du Hamas, tout heureux d’avoir établi un nouveau record en la matière.
On ne peut évidemment que se réjouir de voir ce petit gars au visage d’adolescent regagner ses foyers après cinq années de dure captivité et partager le bonheur des familles palestiniennes retrouvant un fils ou un père qui n’ont jamais été autre chose à leurs yeux que des héros et des résistants. Mais on ne peut aussi qu’être saisi d’un immense malaise devant la vertigineuse inéquation de ce type de troc : en moins de trois décennies, Israël aura échangé 7 500 Arabes (Palestiniens ou autres) contre 13 Juifs (dont deux dépouilles). Or ce déséquilibre est beaucoup plus qu’une disconvenance illustrant une « exception » israélienne de plus. Il traduit un rapport de forces exactement inverse que ce que suggèrent les chiffres. Et il est l’exact pendant, sur le plan moral, du solde de l’opération Plomb durci de nettoyage de Gaza marqué par un écart numérique du même ordre : 1 400 morts palestiniens pour 13 Israéliens.
Le lourd tribut payé par l’État hébreu dans l’affaire Shalit n’est en effet qu’une apparence. En procédant de la sorte, il entend aussi réitérer une pseudo-supériorité civilisationnelle. L’assistance à chaque fils d’Israël capturé par l’ennemi est un impératif moral et chaque vie est sacrée, alors que, dans le monde musulman, l’individu ne serait que poussière anonyme, et son humanité, dissoute dans lenombre. Lemessage, subliminal, passablement méprisant,mais efficace, qu’envoie le gouvernement Netanyahou est aisément décryptable : si 1 Israélien est échangé contre 1 027 Palestiniens, c’est que 1 Israélien vaut 1 027 Palestiniens. Dans les prisons d’Israël, un stock constamment renouvelé de détenus est disponible pour recommencer, presque à l’infini, cette démonstration que le monde entier avalise. Le Hamas a certes ses raisons pour participer à cette surenchère,mais qu’il ne se leurre pas: sa victoire comptable à un goût d’humiliation.
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