Robert Ménard répond à François Soudan
Robert Ménard est journaliste, chroniqueur radio-télévision, fondateur de Reporters sans frontières
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 19 octobre 2011 Lecture : 4 minutes.
Je me suis pincé en lisant l’éditorial que François Soudan m’a consacré. Ainsi, je ne serais plus fréquentable. Et pour justifier cette sentence, notre directeur de la rédaction se fend d’un réquisitoire qui enfile amalgames et contre-vérités. Je reprends donc les arguments de notre Fouquier-Tinville.
Oui, c’est vrai, j’ai signé, avec Emmanuelle Duverger, un opuscule titré Vive Le Pen ! Et alors ? Ce pamphlet fait-il d’une manière ou d’une autre l’apologie du Front national ? Est-ce un plaidoyer en faveur de Jean-Marie ou de Marine Le Pen ? Évidemment non. Il s’agit de défendre la liberté d’expression de tous, y compris de ceux dont on combat les opinions. À condition, bien sûr, et nous le disons dans ce livre, qu’ils n’appellent pas à la violence, au contraire de cette Radio des Mille Collines citée par François Soudan à l’appui erroné de sa démonstration. Deux solutions : ou il n’a pas lu notre livre et se contente de répéter ce qui a pu en être dit. Ou il l’a lu et il extrapole tendancieusement. Ni l’une ni l’autre n’est à son honneur…
Deuxième argument : je fréquenterais « les think-tanks de l’extrême droite ». J’ai en effet accepté de participer à un colloque organisé par Polémia, club animé par Jean-Yves Le Gallou, un intellectuel d’extrême droite. Comme je le fais avec tous ceux qui m’invitent et me proposent d’aborder des thèmes sur lesquels ma contribution peut avoir un intérêt. Comme je le fais depuis vingt-cinq ans : rencontrer, discuter, débattre avec des personnes qui pensent à l’opposé de mes convictions. Où est le problème ? J’ai lu des entretiens réalisés par François Soudan avec des potentats autrement plus dangereux que Le Pen « père et fille », que notre éditorialiste se flatte de n’avoir jamais interviewés. Je ne le lui ai jamais reproché. Il me semble même que c’est notre métier de journalistes, à lui comme à moi. Puis-je ajouter, puisqu’il ne me ménage pas, que, parfois, il m’a semblé que son impertinence ou son absence d’impertinence avait peut-être à voir avec les intérêts publicitaires de son journal…
Non, je ne défends pas « Dieudonné à propos des Juifs », non plus que « Zemmour sur les immigrés délinquants » mais le droit de Dieudonné et de Zemmour de dire ce qu’ils pensent. Comme j’ai toujours défendu Jeune Afrique chaque fois que le journal était aux prises avec la censure. Encore une fois, je suis pour la liberté d’expression et pas seulement pour ceux qui partagent mes convictions. Et quand François Soudan poursuit en écrivant que je défends également « les théoriciens du complot » et « peut-être Gbagbo et pourquoi pas Kadhafi », il quitte le terrain de la polémique pour celui de la diffamation. N’étant pas procédurier, je le laisse s’expliquer avec sa conscience
Quant à sa saillie sur Pierre Péan, je laisse à mon ami Pierre le soin de lui répondre. Oui, François Soudan, j’ai bien dit mon ami Pierre Péan.
Ce n’est pas moi qui me caricature, comme l’écrit François Soudan. Je reste simplement fidèle à quelques principes. Peut-être une pratique trop assidue des palais présidentiels africains a-t-elle fait perdre au directeur de la rédaction de Jeune Afrique tout sens de la rectitude… Dommage. Je ne lui demande pas de bien m’aimer, comme il le dit, mais de se contenter de me lire. En toute bonne foi. Simple b.a.-ba d’un métier qui s’appelle le journalisme. Pour le reste, je serai encore là quand Jeune Afrique aura – et malheureusement ce sera le cas – des problèmes avec tel ou tel autocrate. C’est un de mes principes, François Soudan.
Réponse de François Soudan : Robert Ménard se défend en lançant une attaque de diversion, mais la ficelle est un peu voyante. Comparer le degré de présentabilité des personnes que nous avons interviewées n’aurait d’intérêt que si je prétendais vouloir interdire de parole les Le Pen, ce qui n’est évidemment pas le cas – chacun est libre de débattre ou non avec qui bon lui semble. Ce que je lui reproche, ce n’est donc pas d’avoir fait parler Marine Le Pen (et son père), mais d’être – je pèse mes mots – en empathie avec elle. Quand on dit (il suffit d’aller sur Dailymotion pour l’entendre) que Mme Le Pen « appelle un chat un chat » et « pose de vraies questions » auxquelles « elle apporte des réponses » ; quand on ajoute, à propos des électeurs du Front national, « ce n’est pas que je les comprends, c’est que je les approuve », avant d’ajouter « j’approuve sur un certain nombre de points l’analyse de Marine Le Pen », il convient à la fois d’assumer ses propos et les réactions qu’ils ne manqueront pas de susciter. En d’autres termes, ce qui me sépare de Ménard s’appelle Le Pen, tout comme ce qui me sépare de Pierre Péan s’appelle Rwanda. Ce qui ne m’empêche pas de reconnaître à l’un comme à l’autre, et sur bien d’autres terrains, du courage et du talent.
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