Boni Yayi : nouveau mandat, nouveau style

Le chef de l’État béninois, Boni Yayi, s’y est engagé : ce deuxième quinquennat sera son dernier. Et il sera celui des réformes… Un volontarisme qui contraste avec le ton parfois brouillon des premières années.

Le président Boni Yayi s’adressant à la presse, le 13 mars 2011 à Cotonou. © AFP

Le président Boni Yayi s’adressant à la presse, le 13 mars 2011 à Cotonou. © AFP

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Publié le 21 octobre 2011 Lecture : 4 minutes.

Boni Yayi se compare désormais à un couturier. Début septembre, devant des notables de Parakou (Nord), il annonçait avec une pointe d’humour qu’il avait pris la mesure des défis à relever au Bénin. « Je vais donc, à la fin de ce second mandat, terminer la veste que j’ai commencé de coudre au peuple béninois en 2006 », a-t-il déclaré. Pour la circonstance, le couturier a enfilé un nouveau costume : celui de refondateur.

Les réformes annoncées lors de son investiture, en avril, et destinées à « engager la transformation politique, sociale et économique » du Bénin nécessitaient un climat apaisé. Début août, les syndicats et le Premier ministre, Pascal Koupaki, ont signé un accord. La trêve est conclue pour trois ans, avec un objectif : l’efficacité. « Le travail productif et l’assiduité […] sont des exigences majeures de la démocratie et du renouveau économique », explique Koupaki. La nomination à la primature du « super-ministre » du premier mandat obéit à la volonté du chef de l’État de soigner sa gouvernance après cinq années parfois chaotiques. Le poste de Premier ministre, prévu mais non imposé par la Constitution, était vacant depuis… 1998.

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Sur le plan politique, Yayi s’est réconcilié avec la famille emblématique de l’opposition béninoise, les Soglo. Leur parti, Renaissance du Bénin (RB), reste membre de l’Union fait la nation (Un, coalition de l’opposition), mais estime que « refuser la main tendue du président pourrait être interprété par les populations comme une opposition à l’amélioration de leurs conditions de vie et au développement du pays ».

De fait, les réformes autour desquelles Boni Yayi a fait campagne suscitent un engouement populaire. En atteste sa victoire dès le premier tour avec 53 % des voix, contre 36 % pour son principal concurrent, Adrien Houngbédji. Le Parti du renouveau démocratique (PRD) de ce dernier est aujourd’hui divisé. D’importants cadres, dont l’ex-secrétaire général, Moukaram Badarou, ont rejoint Yayi.

Confiant, le couturier a accéléré la cadence de sa machine à réformes. En commençant par l’économie, avec le Programme de vérification des importations (PVI), qui doit optimiser le recouvrement des recettes douanières. Les bailleurs de fonds exigent une meilleure maîtrise des ressources de l’État, largement tributaires des recettes fiscales et douanières – qui représentent environ 55 % du budget. En luttant contre la corruption, ce plan devrait en outre faire oublier le scandale des 100 milliards de F CFA (152 millions d’euros) détournés par ICC Services, structure de « placement » qui a grugé des milliers d’épargnants. Mais le PVI – confié à un proche du chef de l’État, le tout-puissant Patrice Talon, patron de Bénin Control SA – ne fait pas que des heureux. Parmi les mécontents, les douaniers, qui, voyant la manne s’envoler, ont répondu par des grèves (lire encadré).

Boni Yayi fâché contre les douaniers

Protestant contre le Programme de vérification des importations (PVI), les douaniers grévistes ont au moins réussi à faire l’unanimité contre eux. Fin septembre, Boni Yayi a menacé, à la télévision nationale, de les radier de la fonction publique. Les opérateurs économiques, de leur côté, ont rappelé que leur grève sans service minimum allait peser sur « le consommateur final, qui sera obligé d’acheter très cher son produit ». Ironie de l’histoire : on aurait pu s’attendre à un mouvement de grogne des importateurs, qui sont les plus touchés par le PVI. Mais la majorité d’entre eux l’encourage, avec quelques réserves toutefois.

A.S.K.

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Vision claire

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Yayi tente aussi de réduire le train de vie de son gouvernement, passé de trente membres lors du premier mandat à vingt-six. Il a lancé un audit de toutes les structures gérant des fonds publics, y compris la présidence. « Il a changé par son style et sa méthode. Hier, il semblait chercher ses marques. Aujourd’hui, c’est un homme ferme avec une vision claire », confie l’un de ses collaborateurs. « Boni Yayi travaille pour que les réformes puissent être rapidement mises en œuvre, n’étant plus intéressé par un marché électoral à conquérir à tout prix », souligne Albert Tévoédjrè, médiateur de la République et confident du chef de l’État.

L’opposition – ou ce qu’il en reste – fulmine. « Au Parlement, dominé par les Forces cauris pour un Bénin émergent [mouvance présidentielle, NDLR], même les exposés de motifs nous sont cachés, dénonce Basile Léon Ahossi, député de l’Un. Il n’y a aucune refondation. »

Serment

En août et en septembre, quatre réformes ont été votées, dont une loi anticorruption et une loi référendaire. Cette dernière ouvre la voie à la principale révision voulue par le chef de l’État : celle de la Constitution. « Ce n’est ni la priorité ni la chose la plus indispensable pour ce pays, proteste Me Jacques Migan, gardien autoproclamé du temple constitutionnel. Lorsqu’on ouvrira la boîte de Pandore, personne ne sait ce qu’il nous en coûtera. » Pourtant, fin juillet àÀ Barack Obama, le 29 julillet, Boni Yayi a promis de ne pas se représenter. la Maison Blanche, devant Barack Obama (voir la photo ci-dessous, crédit : AFP), Yayi s’est engagé à ne pas toucher à l’article 42, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Et « en prêtant serment devant la Cour constitutionnelle, il a bien dit qu’il s’agissait de son dernier mandat. J’étais présent. J’ai entendu », affirme Albert Tévoédjrè. Amos Elègbè, conseiller spécial du chef de l’État aux affaires politiques, assure que celui-ci « respectera sa parole. Tant pis pour ceux qui doutent encore de sa bonne foi ».

Cette réforme est inscrite depuis trois ans sur l’agenda de Yayi. Le président avait confié la rédaction du projet au constitutionnaliste Maurice Ahanhanzo Glèlè, qui bénéficie d’une réputation d’homme intègre. Il veut apporter cinq grands amendements : la création d’une Cour des comptes ; l’institutionnalisation de la Commission électorale nationale autonome et celle du médiateur de la République, pour rendre ces organes plus indépendants ; la révision du mécanisme de saisine de la Haute Cour de justice, pour responsabiliser davantage ministres et députés ; la constitutionnalisation du code électoral.

Dans l’atelier de couture du palais présidentiel, pas moins de vingt autres réformes attendent, dont la refonte de l’appareil judiciaire et le nouveau découpage territorial. Reste à voir si les Béninois trouveront, finalement, le costume à leur goût.

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