Musique : repose-toi, Cesaria !
Après vingt ans de carrière et une reconnaissance venue sur le tard, la diva cap-verdienne Cesaria Evora renonce à la scène. En cause ? Les chips, bien sûr !
Vingt ans de carrière, six millions d’albums vendus et une immense fatigue. Le 23 septembre, dans les colonnes du quotidien Le Monde, Cesaria Evora, 70 ans, jette l’éponge. « J’arrête tout : je n’ai pas de force, pas d’énergie. Je veux que vous disiez à mes fans : excusez-moi, mais maintenant, je dois me reposer. » Malade, épuisée, la chanteuse cap-verdienne annule dans la foulée ses concerts et confie sa hâte de retrouver son île.
En 2003 déjà, elle avait dit à Jeune Afrique sa lassitude. Bien sûr, avait-elle aussitôt protesté, « j’aime les gens, la scène et les studios », et puis « sans les tournées, pas de carrière ». La voix légèrement voilée (cette voix qui, si bien, portait le blues cap-verdien), les pieds nus, débarrassés de l’entrave des sandales, elle avait expliqué qu’elle avait 45 ans quand elle avait quitté son pays pour la première fois, 50 quand son talent avait enfin été reconnu hors du Cap-Vert (avec Miss Perfumado, en 1992), et que, toujours, Mindelo lui manquait. Dans une énumération décousue, elle avait dit son amour pour « ces petits bouts de rochers pelés », pour le soleil, la plage, les fruits de mer, les hommes (« Ah ! les hommes… ») et la vie nocturne. En créole d’abord, puis dans un français parfois hésitant, à mesure qu’elle prenait confiance, elle avait essayé d’expliquer la saudade, « ce sentiment intraduisible, qui dit tout à la fois le départ et l’arrivée, l’amitié, le bonheur des retrouvailles et la tristesse d’une dernière visite à l’hôpital ». Au moment de clore l’interview, elle s’était soudain détendue, avait décrit sa maison, « pleine de monde et de cadeaux », devant laquelle les autocars déversent leur flot de touristes, et nous avait conviés à une virée sur les routes de São Vicente, l’île qui l’a vue naître, « parce qu’il faut y aller pour comprendre ».
Cœur ouvert
C’était il y a huit ans. Entretemps, il y a eu d’autres albums, d’autres tournées, d’autres concerts ; un premier accident vasculaire cérébral qui a failli la terrasser, en Australie, en 2008, une deuxième alerte quelques mois plus tard, à Lisbonne, et enfin cette opération à cœur ouvert qu’elle a dû subir à Paris. Verdict : un cœur fragile et un taux de cholestérol à faire peur à ses médecins de l’Hôpital américain.
Il y avait pourtant longtemps que Cesaria Evora n’était plus la diva pocharde qui allait d’un bar à l’autre chanter pour quelques escudos et une poignée de clients aussi imbibés qu’elle. À l’alcool, elle avait renoncé, mais pas à la cigarette, ni aux batatinhas, ces chips portugaises dont le salé et le croquant accompagnent si bien une petite bière. Tout ça, lance-t-elle au Monde, espiègle, c’est la faute des batatinhas. Et en même temps, « il fallait bien que je parte un jour ».
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