Vent de modernisation sur les aéroports africains

Longtemps décriées pour leur vétusté et leur non-conformité aux normes internationales, les infrastructures du continent se modernisent. Et, de plus en plus, la tendance est à la privatisation de leur gestion.

Enfidha, l’aéroport tunisien, fait l’objet de vives critiques. © D.R.

Enfidha, l’aéroport tunisien, fait l’objet de vives critiques. © D.R.

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 14 octobre 2011 Lecture : 5 minutes.

Bamako, Conakry, Dakar, Libreville… Un vent de modernisation souffle sur les aéroports africains. Au cours des quatre dernières années, les chantiers de construction et de rénovation de ces infrastructures stratégiques se sont multipliés sur le continent. Pas moins de 3 milliards d’euros ont été investis entre 2006 et 2010, si l’on ne prend en compte que les projets de grande envergure.

Après l’inauguration, en avril 2010, de l’aéroport d’Enfidha en Tunisie, construit et géré par le turc TAV Airports Holding Company pour un investissement de 384 millions d’euros, c’est au tour du Sénégal d’annoncer l’ouverture, en 2012, de l’aéroport international Blaise-Diagne de Diass (567 millions d’euros). Pendant ce temps, le Mali et la Guinée poursuivent la modernisation de leurs installations de Bamako-Sénou et de Conakry-Gbessia. Au Gabon, en attendant la construction d’un nouvel aéroport à Libreville, l’extension de celui de Port-Gentil a démarré en août (48 millions d’euros)… Et la liste est encore longue !

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« Outre les pressions de l’Oaci [Organisation de l’aviation civile internationale, NDLR] pour la mise aux normes des aéroports africains et la création de la liste noire de l’Union européenne, qui ont incité les États à rénover leurs infrastructures, il faut ajouter les bonnes perspectives économiques, qui drainent de plus en plus d’investisseurs », explique Ali Tounsi, secrétaire régional d’Airports Council International (ACI), qui regroupe les opérateurs aéroportuaires.

Mais ces investissements, souvent colossaux, seront-ils tous rentables ? Car hormis l’Afrique du Sud, le Sénégal et le Nigeria, le trafic dans la majorité des pays au sud du Sahara reste sous la barre du million de passagers annuels, et le ciel est peu ouvert aux compagnies étrangères. De nombreux opérateurs internationaux hésitent à se lancer. « Nos investissements en Afrique subsaharienne restent modestes et limités à la Guinée, où notre présence remonte à la réalisation par ADP-Ingénierie du nouveau terminal international de Conakry, dans les années 1980 », indique-t-on à ADP-Management, filiale à l’international d’Aéroports de Paris (ADP) présente en Algérie et en Égypte, où le trafic est plus élevé.

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Source : ACI

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Potentiel

Toutefois, note Ali Tounsi, « l’industrie aéroportuaire est de plus en plus rentable en Afrique, avec un potentiel de croissance nettement plus important qu’en Occident ». Ce qui devrait attirer davantage d’opérateurs privés et faciliter les financements. Ainsi, dans un contexte mondial incertain, le Sénégal a bouclé le financement de l’aéroport Blaise-Diagne grâce à un consortium de banques dirigé par BNP Paribas et Blackpearl (ex-BMCE Capital), qui a réuni 404 millions d’euros.

Cette infrastructure devrait accueillir 3 millions de passagers par an, contre moins de 1,5 million pour l’actuel aéroport de Dakar. L’investissement devrait notamment être remboursé par la redevance de développement des infrastructures aéroportuaires, ponctionnée sur le billet des passagers au départ de Dakar. D’autres revenus sont attendus : « Il faut considérer l’aspect centre commercial des aéroports, de même que toute autre activité susceptible d’être développée alentour », affirme Ali Tounsi. Dans ce but, le Sénégal prévoit de créer un centre de maintenance aéronautique, en partenariat avec le français EAS Industrie, ainsi qu’un centre d’affaires proche de l’aéroport. La gestion de l’ensemble a été confiée à l’allemand Fraport AG, troisième gestionnaire aéroportuaire européen.

"Build, operate, transfer"

Là aussi, c’est une nouvelle tendance. Les institutions comme l’ACI ou l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa) mènent des campagnes de sensibilisation pour la privatisation des infrastructures. Le Nigeria, qui a signé en 2007 un contrat de type build, operate, transfer avec un consortium de banques et d’opérateurs aéroportuaires locaux pour le développement de l’aéroport Murtala-Mohamed de Lagos, est souvent cité comme modèle. De même que l’aéroport d’Alger, géré depuis 2006 par la Société de gestion des services et des infrastructures aéroportuaires, une coentreprise entre ADP et l’État algérien.

En quatre ans, Alger a vu son trafic passer de 3,5 millions à 4,5 millions de passagers. Son chiffre d’affaires, qui a atteint 50 millions d’euros en 2010, est en constante progression. « L’excédent brut d’exploitation de l’aéroport a augmenté de près de 70 % durant les quatre années de notre premier contrat, notamment grâce à la croissance des revenus commerciaux, qui ont représenté en 2010 une proportion de revenus équivalente à celle des grands aéroports européens », affirme un porte-parole d’ADP-Management, dont le contrat s’achevait fin 2010 et qui a été prolongé de quatre années.

À l’opposé de ce succès, les difficultés de l’Office national des aéroports (Onda), l’organisme public chargé de gérer les aéroports du Maroc, confortent les défenseurs de la privatisation. L’Onda, qui a pourtant réalisé un chiffre d’affaires de 230 millions d’euros en 2010, est empêtré dans de sérieux problèmes de mauvaise gouvernance, révélés fin 2009 par la Cour des comptes du royaume et que l’arrivée d’une nouvelle équipe dirigeante n’a pas fini de régler. De fait, des projets de modernisation demeurent dans l’impasse.

Guerre des hubs

Mais, au-delà de la gestion des aéroports, se pose aussi la question de leur lieu d’implantation. Situé entre Tunis et Sfax, l’aéroport d’Enfidha décidé par Ben Ali fait l’objet de vives critiques, le trafic qu’il draine étant loin de sa capacité réelle. Entre janvier et avril 2010, Enfidha n’a accueilli que 28 000 passagers, pour un objectif de 2,5 millions en 2010.

Au Sénégal, où l’actuel aéroport de Dakar devrait être transféré à Diass, à 45 km de la capitale, les autorités estiment que ce problème ne se pose pas. « 60 % des passagers qui arrivent à Dakar se rendent dans les régions du pays. L’aéroport Blaise-Diagne permettra au contraire de résoudre un problème », a indiqué Karim Wade, ministre des Transports aériens et des Infrastructures, à Jeune Afrique.

Avec ce nouvel aéroport, le Sénégal compte transformer sa capitale, à une demi-heure de route grâce à l’autoroute à péage qui sera livrée en 2013, en hub régional du tourisme d’affaires. Reste que Dakar devra rivaliser avec Accra, dont l’aéroport de Kotoka, desservi par une quarantaine de compagnies et élu en juillet meilleur aéroport africain de l’année, se positionne déjà comme un hub régional du trafic passagers et du fret. 

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Stéphane Ballong, avec Cécile Sow, à Dakar.

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