Mali : un embargo touristique qui ne dit pas son nom

Ousmane Sy est ancien ministre et conseiller municipal de Bandiagara. Il s’insurge contre les consignes données par les pays occidentaux à leurs ressortissants pour dissuader ces derniers de faire du tourisme au Mali.

Publié le 14 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

Où va le Mali ?
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Les activités liées au tourisme alimentent l’économie locale dans plusieurs régions du Mali, principalement à Ségou, Mopti et Tombouctou. Parmi ces régions, Mopti, avec les sites de Djenné et du plateau dogon inscrits au patrimoine de l’humanité de l’Unesco, attirait chaque année de nombreux touristes venant des pays d’Europe de l’Ouest, principalement de France.

Depuis près de deux ans, les prises d’otages occidentaux (aucune en territoire malien, dois-je préciser) par les djihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont installé, dans tous les pays de la région sahélienne, singulièrement au Mali, en Mauritanie et au Niger, un climat d’insécurité. Conséquence : les autorités des pays ciblés et les organisations internationales ont pris des mesures préventives et déconseillent, voire interdisent à leurs ressortissants tout séjour dans cette zone. Depuis, Mopti vit une sorte d’embargo qui ne dit pas son nom.

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Le tourisme au Mali est essentiellement culturel et, pour des raisons historiques, les visiteurs sont européens, les plus nombreux étant les Français. Ils affluent chaque année de novembre à février dans le pays dogon et représentent près d’un touriste étranger sur trois au Mali. Faible pluviométrie, rareté des terres cultivables dans l’environnement rocheux… Le secteur demeure la principale source de revenus pour les populations locales du plateau dogon, en milieu rural comme urbain.

Il faut aussi s’attacher à cibler une clientèle nationale et ouest-africaine. Et adapter notre offre en conséquence.

Une étude réalisée par la SNV Mali, une organisation de coopération technique néerlandaise, a estimé les retombées financières du tourisme en pays dogon à près de 2 milliards de F CFA (3 millions d’euros) en 2009. Les tour-opérateurs sous-évaluant, en règle générale, le volume de leur chiffre d’affaires, ce montant devrait être sérieusement revu à la hausse. Les deux principaux secteurs bénéficiaires de cette manne sont la restauration, qui a enregistré 731 millions de F CFA, dont 256 millions dépensés au profit des produits alimentaires locaux, et l’hébergement, avec 564 millions de F CFA. Des artisans (313 millions de F CFA, dont 104 millions en matières premières locales), des guides (205 millions), des transporteurs (71 millions) et des agences de voyages (67 millions) se partageant le reste.

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Je fais partie de ceux qui pensent que le développement du Mali passera forcément par la redynamisation des économies locales à travers la création d’un tissu socioéconomique fort et stable. En ce qui concerne la région de Mopti en général, et particulièrement le plateau dogon, au cœur duquel se trouve ma ville, Bandiagara, le tourisme est l’une des grandes filières porteuses pour l’avenir.

Cependant, l’actuelle crise sécuritaire se traduit par une réduction drastique du nombre de visiteurs européens dans la région (en 2010, 25 % de moins que lors d’une saison normale, et les chiffres de 2011 n’incitent pas à l’optimisme), menaçant gravement l’activité économique de ma ville, de ma région, de mon pays. La baisse du flux de touristes n’est pas sans avoir de lourdes conséquences sur la stabilité de la région et le niveau de vie des populations, en particulier les plus vulnérables.

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Cette situation, qui porte en elle les germes de graves crises sociales, interpelle la capacité des gestionnaires locaux à trouver des alternatives.

La grande dépendance, directe ou indirecte, de nombreux acteurs de la zone aux revenus liés au tourisme nous oblige, en tant que dé­cideurs locaux, à rechercher, en partenariat avec tous les professionnels du secteur, des réponses immédiates et des alternatives à moyen et long terme.

En conséquence, il importe, dans un premier temps, d’entreprendre des actions pour gagner la confiance des touristes étrangers, pour lesquels la zone n’est pas considérée comme dangereuse. Ensuite, il faudrait s’attacher à la cible de visiteurs nationaux et de la région ouest-africaine. Ce qui impliquera un grand travail sur des produits touristiques qui puissent les attirer en nombre et, forcément, une adaptation des tarifs (transport et hébergement), mis à la portée de visiteurs sans doute moins nantis, mais qui auront foi en l’hospitalité malienne.

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